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élevé au moyen âge sur les fondemens du pons Palatinus, qui fut achevé sous la censure de Scipion l’Africain. Scipion l’Africain et un pont en fil de fer, voilà de ces contrastes qu’on ne trouve qu’à Rome ! De même les trois aqueducs qui abreuvent la ville sont trois aqueducs antiques réparés ; les routes d’aujourd’hui suivent la plupart du temps le tracé d’une voie romaine ; dans l’intérieur de Rome, sans parler du Corso, que nous savons être la voie Flaminienne, plus d’une rue moderne marque la direction d’une rue antique, comme plusieurs églises indiquent la place d’un temple. Rome, qui a tant changé d’aspect, est pourtant, à quelques égards, la Rome d’autrefois. Il en est surtout ainsi pour les voies de communication, ce qui se continue le mieux à travers les siècles par l’habitude de passer au même endroit.

Du reste, il fallait bien qu’Adrien songeât à se donner une sépulture. Le mausolée d’Auguste était rempli, et il ne se souciait pas d’aller en intrus dans le temple des Flaviens remplacer Domitien.

L’œuvre d’Auguste fut surpassée par son imitateur. Le soubassement du mausolée d’Adrien est un carré dont chaque côté a presque un tiers de plus que celui du mausolée d’Auguste. On a appelé au moyen âge tout l’édifice la masse d’Adrien {la mole d’Adriano). C’est en effet une masse imposante que cette énorme tour sur laquelle l’œil s’arrête toujours avec admiration, soit qu’on la voie s’élevant sévère et majestueuse au-dessus du lit profond où coulent les eaux jaunes du Tibre, prêtes à s’enfoncer tortueuses entre les rives abruptes que garnissent des maisons noires et délabrées, soit qu’aperçue d’un autre côté, au bout de grands prés sauvages, elle dessine, en regard du dôme de Saint-Pierre, sa silhouette robuste sur le ciel enflammé du couchant. Et cependant nous n’avons aujourd’hui que le squelette du monument : quand au VIe siècle Procope le vit encore dans toute sa magnificence, il était revêtu de marbre de Paros, entouré de colonnes, et une saillie circulaire portait des statues admirables au dire de l’historien ; on peut en juger par le faune Barberini, qui orne maintenant la belle collection de Munich. Procope vit les premières mutilations de cet édifice, déjà devenu une forteresse, ce qu’il n’a pas cessé d’être jusqu’à nos jours : les troupes grecques qui le défendaient lancèrent des statues sur les assaillans ; ces assaillans étaient des Goths. Ce ne furent pas les Goths qui furent les barbares ce jour-là.

On a dit que le buste colossal d’Adrien, conservé au Vatican, est un fragment de la statue impériale qu’on suppose avoir été placée au sommet de l’édifice, de même qu’une statue d’Auguste se dressait au faîte de son mausolée ; mais il me semble que cette statue d’Adrien n’eût pas été en rapport avec le monument[1]. D’ailleurs il paraît

  1. Elle était dans la niche placée à l’entrée du mausolée.