Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/450

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


J’arriverai ! Dussé-je encor
Franchir l’épaisseur de la tombe !

Mais là-bas, arrêtés au milieu du sillon,
Les bouviers, à genoux, plantent leur aiguillon.
Tandis qu’au-dessus d’eux les corbeaux et les cygnes
Dans es sentiers du ciel passent en longues lignes,
Sur la feuille jaunie un cortége nombreux
Serpente, au bord du bois, le long du chemin creux :
C’est la famille en deuil et d’amis entourée
Qui porte au champ des morts l’aïeule vénérée.

Les voilà disparus dans le funèbre enclos,
Et déjà l’on entend, au milieu des sanglots,
— Le prêtre ayant fini son oraison dernière, —
La terre, — ô bruit affreux ! — retombant sur la bière.

Or, seuls dans leur sentier, revenant à l’écart,
Les époux l’un de l’autre ont cherché le regard.


FRANTZ


Ah ! je voudrais verser mon âme tout entière
Au sillon que voilà,

Et, dormir à jamais sous cette morne pierre,
Si tu n’étais pas là,

Si ma vie en son deuil n’était pas enchaînée
Aux bras de nos enfans…
Mais mon cœur sera fort contre la destinée ;
C’est toi qui le défends.

J’ai vu crouler sous moi le sol de ma colline ;
Mais l’arbre y vit toujours,
O mère de mes fils, car j’ai pris ma racine
Dans nos saintes amours.

Reçois donc à cette heure, avec ma plainte amère
D’un bonheur envolé,
Tout mon cœur dans un mot : Dieu m’a repris ma mère,
Et tu m’as consolé !


BERTHE


Et moi dans un mot je rassemble
Les plus saints noms et les plus doux ;
J’ai mon père et ma mère ensemble
Et mon frère en toi, mon époux !