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jour fixé pour le recensement des troupes de terre et de mer, avait été omise, ce qui donnerait lieu à une addition que les uns évaluent à 95,000 hommes, les autres à 80,000. En supposant que cette omission ait réellement été faite, l’accroissement de population ne serait encore que de 335 à 350,000 âmes en cinq ans, ce qui laisserait subsister toutes les observations sur le fait même du ralentissement. Cependant il y a tout lieu de croire qu’il n’en est rien ou à peu près rien. Le rapport frappant entre le relevé des registres de l’état civil et le résultat du dénombrement serait déjà une raison suffisante pour écarter cette conjecture. D’autres faits, qu’il serait trop long de rapporter ici, prouvent en outre que, sur beaucoup de points, sinon partout, on a compté comme présens des corps de troupes qui ne l’étaient pas, mais qui avaient leurs dépôts dans la ville recensée, ce qui est conforme aux principes ordinairement suivis et rappelés, soit dans le décret du 9 février 1856, qui a ordonné le recensement, soit dans la circulaire ministérielle du 14 mars, qui en a réglé l’exécution.

Je ne parle pas des doubles emplois qui sont toujours assez nombreux, quoi qu’on fasse, et qui compensent et au-delà les omissions possibles, parce que c’est là un compte tout technique qui n’intéresse que les hommes spéciaux. Il suffit, pour la grande majorité des lecteurs, de savoir en gros à quoi s’en tenir sur le degré de confiance que mérite l’exactitude de l’opération.

Il est enfin à remarquer que le produit du dénombrement n’a eu rien d’imprévu pour les observateurs attentifs qui suivaient de l’œil le mouvement de la population. On a vu que je l’avais moi-même, annoncé d’avance. Dans les localités intéressées, départemens, arrondissemens, cantons et communes, on n’a pas élevé le moindre doute quand le résultat a été connu. Même sur les points, malheureusement très nombreux, où la population a diminué au lieu d’augmenter, tout le monde touchait en quelque sorte du doigt cette diminution. Le manque de bras et la hausse des salaires en donnent à tout moment la démonstration. Dans les campagnes, on voit des villages entiers presque dépeuplés. Dans la plupart des villes, le voyageur le plus superficiel ne peut qu’être frappé de la quantité extraordinaire de vêtemens de deuil qu’il rencontre, car c’est bien la mort qui a fait les principaux vides, ce n’est pas, comme on pourrait le croire, l’émigration. L’émigration en Algérie, en Californie, en Amérique, n’enlève pas plus de 10,000 têtes par an en moyenne, et elle est à peu près compensée par les étrangers, Belges, Allemands, Suisses, etc., qui viennent s’établir en France, et surtout à Paris. Il y a bien un autre genre d’émigration qui fait beaucoup plus de ravages, l’émigration à l’intérieur, le dépeuplement des campagnes au profit