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nôtre, a passé en cinq ans, de 1851 à 1855, de 4,427,000 âmes à 4,607,000 ; différence, 180,000. Si nous avions marché aussi vite, nous aurions gagné 1,500,000 âmes. En Prusse, les dénombremens sont triennaux ; en six ans, du mois de décembre 1849 au mois de décembre 1855, la population a monté de plus de 900,000 âmes. Si nous avions marché aussi vite, nous aurions gagné 2 millions. Je ne connais pas encore les chiffres : des autres états, mais je suis convaincu que partout, à l’exception peut-être de l’Espagne, de la Turquie et de la Russie, le surcroît de population aura été plus considérable qu’en France, ou, en d’autres termes, que la production agricole y aura fait plus de progrès, car il faut toujours en revenir à la loi de Malthus, que le mouvement de la population se règle en fin de compte sur la quantité des subsistances.

Vainement on voudrait essayer de se persuader que, si la population n’a pas monté chez nous, l’aisance moyenne s’est accrue. Si la réduction ne tenait qu’à la diminution des naissances, la confusion serait possible ; mais l’accroissement du nombre des décès ne permet pas de s’y tromper. Bien que la population fût moins nombreuse en France que dans beaucoup d’autres parties de l’Europe, elle l’était encore trop pour la richesse produite, puisque la maladie et la mort sont venues la refouler dans de plus étroites limites. C’est bien l’obstacle répressif de Malthus qui a agi. On ne peut pas espérer de guérir le mal en le dissimulant : voilà pourquoi j’ai cru nécessaire de le montrer dans toute sa triste vérité.

Le progrès de notre commerce extérieur ne prouve rien contre cette démonstration. Il suint de regarder aux denrées importées pour y voir plutôt un indice de malaise que de richesse. Le commerce extérieur est un signe de prospérité, lorsqu’il coïncide avec une augmentation de la production intérieure ; sinon, c’est une marque d’appauvrissement. Les céréales, les soies, les vins, les bestiaux, les viandes salées, qui entrent aujourd’hui en France plus que par le passé, viennent remplir un vide survenu dans la production nationale. Les produits industriels exportés pour les payer auraient servi à la consommation intérieure ou à d’autres échanges, si ce déficit ne s’était pas produit. En Angleterre, l’introduction des denrées alimentaires est une richesse, parce qu’elle vient s’ajouter à une production intérieure toujours croissante. Chez nous, c’est le contraire, du moins pour le moment. Rien n’est plus complexe que ces phénomènes ; les mêmes apparences cachent souvent des différences profondes. Il n’y arien à en conclure contre la liberté commerciale, car, le déficit une fois déclaré, on est fort heureux qu’il soit comblé du dehors ; mais il vaudrait mieux qu’il n’y en eût pas. Supposons un pays où toute la récolte en blé viendrait à manquer à la fois : ce