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faisaient relief sur l’ensemble du costume. Le droit d’être armé de deux sabres n’appartient qu’à la noblesse ou aux fonctionnaires d’un ordre élevé. On remarquait que, sur les cinq plénipotentiaires, trois seulement avaient une chemise dont l’étoffe blanche se détachait sous le pourpoint de soie : c’étaient les trois princes. Les princes et les personnages les plus éminens de l’empire ont seuls le droit de porter des chemises. Voici maintenant, par rang d’âge et de dignité, le signalement des délégués de la cour de Yédo : — Hayaschi, cinquante-cinq ans, assez bel homme, figure grave, mais bienveillante ; manières très distinguées ; — Ido, prince de Tsusima, cinquante ans environ, grand et gros, physionomie assez vive ; — le prince de Mimasaki, quarante-six ans, figure agréable, caractère gai, aimant le mot pour rire : il professait des idées très libérales en matière de politique étrangère, se montrait disposé à accueillir les Européens, et, en attendant mieux, il se délectait à entendre la musique de l’escadre ; — Udono, membre du conseil des finances, grande taille, figure mogole ; — Matsusaki Michitaro, personnage énigmatique dont le rang et le rôle ne parurent pas clairement définis, soixante ans au moins, visage laid, teint jaune, vue très basse. — Tels étaient les cinq dignitaires en présence desquels se trouvait le commodore dans le pavillon de Yoku-hama. Pourquoi la cour de Yédo avait-elle laissé à l’écart les princes d’Idzu et d’Iwami, qui, lors du premier voyage de l’escadre, avaient présidé aux préliminaires des négociations ? La relation américaine ne donne aucune explication à cet égard. Il est probable que ces deux princes, après avoir essuyé le premier feu de la diplomatie du commodore, ne furent point désireux de repasser par les mêmes épreuves. L’honneur de conférer avec l’envoyé des États-Unis ne dut pas être chaudement brigué parmi les seigneurs de la cour.

L’entrevue commença par un échange de politesses banales ; puis les Japonais offrirent aux Américains des pipes, du thé servi sur des plateaux de laque, des gâteaux, etc. Après une légère collation, Hayaschi proposa de passer dans une autre pièce où les plénipotentiaires et le commodore, accompagné seulement d’un petit nombre d’officiers, seraient mieux à l’aise pour parler d’affaires. Les personnages qui devaient prendre une part directe aux négociations se retirèrent donc dans un salon attenant à la grande salle d’audience ; chacun s’assit, et, avant d’engager la conversation, Hayaschi rappela qu’il était d’usage au Japon de parler très lentement. Il prévoyait qu’il aurait besoin de toute sa prudence et de toute sa réflexion pour le débat solennel qui allait s’ouvrir. Cette observation faite, il tendit au commodore un rouleau de papier qui contenait la réponse officielle à la lettre du président. Voici la traduction de ce document :