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de leurs conversations, de leurs écrits, de leurs leçons, de leurs discours, et sous cette influence les esprits s’élargissaient, les mœurs s’adoucissaient ; partout se répandaient sans bruit ces sentimens de tolérance et d’humanité que les philosophes matérialistes du XVIIIe siècle n’ont assurément point inventés, mais qu’ils ont eu la gloire de mettre en honneur parmi les nations chrétiennes, qui trop longtemps avaient méconnu tout ce que renferme l’idée de charité.

Au XVIIe siècle, les puritains du Massachusetts, venus en Amérique pour y chercher un refuge contre les persécutions de l’église établie, donnaient eux-mêmes naissance à la colonie de Rhode-Island par leurs proscriptions religieuses ; ils bannissaient les catholiques et les baptistes, pendaient les quakers et les sorciers, exterminaient les Indiens « comme des Cananéens et des Amalécites, » et condamnaient leurs prisonniers de guerre à un esclavage perpétuel. La charte de Rhode-Island proclamait de la façon la plus absolue le principe de la liberté religieuse, et la loi déclarait ce principe non applicable aux papistes ! La loi imposait aux propriétaires d’esclaves nègres l’obligation de les affranchir après dix ans de servitude, et les mœurs n’en permettaient point l’exécution ! Les catholiques, dont le Maryland avait été longtemps le seul asile dans tout l’empire britannique, y établissaient le principe de la liberté religieuse, « au profit de tous ceux qui croient en Jésus-Christ, » et les protestans, devenus peu à peu les maîtres du pays à la faveur de ce principe, l’abolissaient sans scrupule ! Les anglicans de la Virginie fermaient les ports de la colonie aux non conformistes et punissaient l’hospitalité des fidèles qui leur donnaient refuge. Seuls, les quakers de la Pensylvanie accordaient sans restriction aux autres hommes les privilèges religieux qu’ils réclamaient pour eux-mêmes ; presque partout en Amérique, les droits de la conscience n’étaient défendus que par des minorités opprimées, et même dans les colonies d’où devait sortir plus tard le mouvement abolitioniste, les protestations de quelques âmes généreuses contre l’esclavage restaient sans écho.

Au XVIIIe siècle, l’assemblée du Massachusetts votait des lois pour indemniser les descendans des quakers et des sorciers qui avaient subi la peine capitale ; elle affranchissait les quakers et les baptistes des taxes ecclésiastiques, prohibait l’importation des esclaves de race indienne, et entrait en lutte avec le gouverneur sur la question de la peine de mort, qu’elle refusait d’appliquer aux faussaires. À plusieurs reprises, le jury de Boston reconnaissait à des esclaves le droit d’exiger de leur maître un salaire. En dépit des lois, les catholiques du Maryland pratiquaient librement leur culte, et plus de la moitié de la population de la Virginie était dissidente. Partout en Amérique, les droits de la conscience étaient respectés, sinon reconnus, et même dans