Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/651

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après l’évêque vient le pasteur. Bien que l’évêque exerce dans son diocèse un assez grand pouvoir disciplinaire, le pasteur ou plutôt le prêtre est en réalité le chef du temple, qui appartient à la paroisse ; il est donc le maître de la paroisse elle-même. Il peut ouvrir le temple à toutes les heures ; celui qu’il autorise à y parler devant toute la communauté réunie peut s’y faire entendre, même s’il est laïque (la loi n’ayant rien statué sur ce point), à la condition de ne pas monter dans la chaire et de ne pas se placer devant l’autel. Fonctionnaire de l’état, le pasteur s’occupe de tout : il devient le scribe, le notaire, l’huissier du gouvernement. Il délivre des attestations à celui qui, ayant tué un loup ou bien un hibou, a droit à une récompense publique. Le pasteur est l’autorité constituée pour la tenue des registres de l’état civil et pour la rédaction des actes qui, comme le mariage, le baptême, les funérailles, revêtent une couleur religieuse[1]. L’église suédoise s’est si bien fondue dans l’état, que les élémens religieux, politiques et civils s’y trouvent amalgamés de la plus singulière façon. Aussi le gouvernement est-il en droit de traiter le pasteur comme un de ses employés. Dans sa forme actuelle, l’église suédoise n’est presque en vérité qu’un vaste établissement de police ecclésiastique.

On a vu comment se faisait l’élection de l’archevêque et de l’évêque. L’élection du pasteur présente un caractère particulier. Les formes varient suivant qu’il s’agit d’une paroisse royale, d’une paroisse consistoriale ou d’une paroisse patronale.

La paroisse royale est celle dont le pasteur est nommé par le roi sur une liste de trois candidats désignés par le consistoire de l’évêché qui régit la paroisse et choisis parmi ceux qui ont le plus d’années de service, de connaissances ou de talent. Les trois pasteurs prêchent, chacun à son tour, devant la paroisse assemblée, qui, lorsqu’elle n’est pas satisfaite, a le droit d’en désigner un quatrième.

  1. Voici en quoi consiste le traitement d’un pasteur suédois. Dans les villes, il fait passer chaque année un livret chez ses paroissiens, qui écrivent ce qu’ils sont disposés à lui accorder. Le traitement d’un pasteur dépend ainsi des sympathies qu’il a su mériter. Les frais de mariage, de baptême, d’enterrement, etc., sont payés par les parens. À la campagne, chaque paroisse a son presbytère et des propriétés souvent considérables, que le pasteur a soin de cultiver. Il est donc devenu agriculteur. Comme d’autre part les paroissiens doivent fournir la troisième partie de la dîme, et comme certaines paroisses, avec le consentement du roi, préfèrent s’acquitter par des produits en nature, il arrive en beaucoup de cas que le pasteur se voit obligé de vendre à son tour les denrées dont se compose son traitement. Le voilà devenu marchand. Venez-vous lui soumettre quelques difficultés théologiques au temps de la moisson, ou quand les paysans d’alentour lui font des propositions d’achat, il ne vous écoutera pas : il est à son grenier, il débite son avoine et ses pommes de terre. Il y a des pasteurs inexpérimentés ou trop charitables qui ont à peine de quoi vivre ; d’autres, plus âpres au gain, se font de 15 à 16,000 fr. par an.