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l’idée de se séparer de l’église établie ; les mauvais traitemens qu’ils enduraient les contraignirent à prendre ce parti extrême.

On conçoit que c’est contre Janson, le principal auteur de ce mouvement, que devait se déchaîner surtout la colère du peuple. Janson était tellement exposé aux fureurs de la populace, qu’on se vit un jour dans la nécessité de le mettre en prison pour lui sauver la vie. Sa femme avait en vain cherché à pénétrer jusqu’au roi pour intercéder en sa faveur. Un soir, Janson, conduit par un gendarme, traversait une forêt ; tout à coup deux hommes sortent d’un épais fourré, fondent sur le gendarme, lui enveloppent la tête d’un manteau pour l’empêcher de voir, et parviennent à délivrer le prisonnier et à lui fournir les moyens de s’évader. On répandit du sang en cet endroit pour accréditer le bruit que Janson avait été tué et mettre fin aux poursuites dont il était l’objet. Le secret fut si bien gardé, que tout le monde le crut mort, et que sa femme même prit le deuil. Janson se cacha d’abord chez ses disciples ; mais, croyant lire un jour dans les yeux de l’un des siens le désir secret de le trahir, il adressa quelques lignes à ses amis pour leur faire connaître celui sur lequel portaient ses soupçons, et chercha à passer en Norvège avec plusieurs de ses partisans, qui voulaient aller demander à l’Amérique la liberté que leur refusait leur patrie. Comme on ne put obtenir de passeports pour eux, ils se virent contraints de s’enfuir déguisés en femmes. On les poursuivit jusque sur le vaisseau où ils s’étaient embarqués ; mais, malgré le soin qu’on avait mis à faire le signalement de Janson, on ne le reconnut pas : c’est pourquoi il put croire que Dieu avait frappé d’aveuglement les agens de la police. Les persécutions avaient atteint alors un tel degré de violence, qu’on enferma un disciple de Janson dans un hôpital de fous, le déclarant insensé pour avoir l’occasion de le faire souffrir. Cependant l’exaspération populaire se calma peu à peu, et il fut enfin permis à ceux qui le voudraient de quitter leur patrie. Aussitôt environ onze cent vingt-quatre séparatistes s’embarquèrent pour se rendre en Amérique : ils y fondèrent une communauté dont on dit que leur chef devint bientôt le tyran. Ce mouvement religieux, qui était ainsi sorti, qui s’était séparé de l’église établie, remontait à l’année 1840. Les disciples de Janson partis, la tranquillité reparut, et les persécutions prirent fin.

Le mouvement baptiste allait à son tour agiter la Suède. M. Viberg, suffragant dans la province d’Helsingland, s’était placé à la tête des manifestations religieuses dont cette contrée était le théâtre ; il se vit pour cette raison traduit devant le consistoire. On lui interdit l’exercice de ses fonctions officielles. Il fit alors un voyage à Hambourg, où il rencontra des chrétiens baptistes. Son premier