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et décidèrent que chaque orateur ne parlerait que dix minutes. Ils en vinrent même, vers la fin de la discussion, à exiger que les baptistes se bornassent à répondre oui ou non aux questions qu’on leur posait. Les personnes capables de porter un jugement impartial attribuèrent néanmoins l’avantage aux baptistes, qui n’étaient presque tous que de simples laïques, et dont l’un des chefs venait d’être mis en prison. Certes les raisons avancées par les pasteurs n’avaient guère de poids, et si de leur côté les baptistes citaient pêle-mêle les passages bibliques, ils n’en avaient pas moins en leur faveur l’autorité de l’Évangile. Au terme de la discussion, des coups de sifflets partirent du milieu de la foule ; il n’y eut pas d’autre scandale, on se dispersa, et chaque parti, comme on le comprend, s’attribua la victoire. À dater de ce débat, toutes les chaires luthériennes de la ville tonnèrent contre les doctrines baptistes. Grâce à ces prédications passionnées, le peuple considéra bientôt les baptistes comme des espèces de monstres. La qualification de baptiste devint pour un moment une injure presque aussi grossière que l’était celle de calviniste il y a cent ans, et celle de liseur (c’est le surnom qu’on appliquait aux chrétiens du réveil) il y a dix ans. Les baptistes sont aujourd’hui encore très sévèrement jugés par leurs frères orthodoxes et d’ordinaire fort peu charitablement désignés par eux ; cependant leurs vues ne diffèrent de celles de ces derniers que sur la question du baptême et sur celle de la séparation d’avec l’église établie, ou, si l’on veut, d’avec l’état. À tout autre égard, et par exemple quant à la doctrine de la cène, ils demeurent luthériens, à l’exception de ceux qui, comme M. Viberg, acceptent généralement le point de vue des églises réformées.

Les églises baptistes sont les seules églises véritablement indépendantes qu’ait fait naître le mouvement religieux en Suède[1]. Pour concilier cette indépendance avec la loi ecclésiastique, elles ont d’assez graves difficultés à vaincre. Voici comment s’y prennent les membres de ces églises pour donner à leurs mariages une sorte de légalité. Le pasteur officiel, fonctionnaire civil, ne peut, à moins de s’exposer à être suspendu de ses fonctions[2], marier aucun luthérien qui n’a pas communié dans l’église établie pendant le cours de l’année. Comme les chrétiens baptistes ne sauraient remplir cette condition et que le mariage civil n’est pas institué en Suède, les fiancés font un contrat, et le pasteur de leur communauté bénit leur

  1. Les séparatistes de la Norrlande n’ont rompu qu’accidentellement et non par principe avec l’église établie. Malgré les persécutions qui les frappent, il ne faut donc pas les confondre avec les baptistes.
  2. La loi condamne quiconque bénit un mariage sans en avoir le droit à être enfermé dans une forteresse.