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se propose, et les conduire dans la voie du scepticisme ? Si l’on songe à ce qu’a d’odieux une disposition semblable, au mépris dans lequel elle tend à faire tomber la loi, aux luttes dont elle peut être la source, quel jugement portera-t-on sur l’esprit d’un clergé aux yeux duquel une telle proposition paraît encore revêtir un caractère « trop libéral ? » Ainsi, tandis qu’on fait du prosélytisme un devoir pour les pasteurs de l’église établie, si quelque membre d’une autre communauté chrétienne manifeste la simple volonté de faire un prosélyte, il peut aussitôt être traduit devant le tribunal. Quand on vous prive des moyens d’éclaircir les doutes que vous pouvez avoir au sujet des enseignemens de l’église établie, n’annule-t-on pas de fait le droit qu’on vous accorde de vous en détacher ? N’est-ce pas comme si l’on disait : « Nous voulons bien qu’on enseigne telle ou telle science, mais à la condition de punir ceux qui la professeront ? »

Concluons que non-seulement la liberté de conscience est gravement méconnue dans la proposition présentée à la diète suédoise, bien qu’on se donne l’air de sanctionner la liberté des cultes, mais que la situation demeure au fond la même. Tout ce qu’il y aurait de changé, c’est la forme de la persécution. En ce moment d’ailleurs, les demi-mesures n’auront pour résultat que de prolonger, au préjudice de l’état et de l’église, la situation actuelle. La proposition du roi semble destinée à contenter la plus grande partie des chrétiens du réveil, ceux qui ne demandent que le droit de se réunir librement sans rompre leurs rapports avec l’église établie. C’est ainsi qu’elle endormira le besoin qu’ils éprouvaient de la liberté religieuse à l’époque où ils se sentaient sous le coup de la persécution.

Cette proposition a été d’abord examinée par la haute cour de justice, dont on connaît maintenant l’avis. Tout en exprimant le désir qu’on en rendît la rédaction plus précise, cette cour voudrait en retrancher l’article 1er, et y apporte en outre certaines restrictions qui montrent qu’elle ne la trouve pas, à beaucoup près, assez intolérante. Qu’on en juge par un seul exemple : « Si un étranger naturalisé Suédois répand des idées contraires à la foi luthérienne, ou fait acte de prosélytisme, il perd ses droits de citoyen et doit être puni de l’exil. » Et si l’on demande pourquoi l’étranger est puni plutôt qu’un autre, on répond : « Parce qu’on doit sans doute montrer de la tolérance envers les enfans du pays ; mais un étranger n’a nullement lieu de se plaindre de l’intolérance dont il se rend l’objet, et, comme il est simplement renvoyé dans sa patrie, où il faut supposer qu’un bon accueil l’attend, une telle punition doit lui paraître légère. » Et un tel langage, on le tient, avec l’accent de la conviction, dans la haute cour de justice du royaume ! L’idée protestante est donc totalement méconnue : on ne se place pas un instant sur le