Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/723

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La donnée de la Fiammina est parfaitement vraie. Une comédienne qui abandonne son mari, son enfant au berceau, pour se livrer tout entière aux entraînemens de la vie de théâtre, pour s’enivrer d’applaudissemens et dominer sans pitié tous les hommes qui vivent par la vanité bien plus que par le cœur, une comédienne qui oublie tous ses devoirs et toutes les joies de la famille pour n’écouter que l’es battemens de mains et compter les couronnes que lui jette la foule idolâtre, s’expose à de rudes châtimens. Le monde, qui semble d’abord lui pardonner, se venge tôt ou tard du mépris des lois sociales. Si le monde se tait, elle trouve dans l’enfant qui a vécu loin d’elle la plus terrible expiation de sa faute, car la mère qui abandonne son enfant pour courir les aventures n’a pas même le droit de se plaindre quand il détourne ses regards en passant devant elle, quand il refuse de la reconnaître pour sa mère. Ce n’est là cependant qu’une donnée, et pour en tirer un poème dramatique, il faut quelque chose de plus que des souvenirs précis et fidèles.

M. Mario Uchard, l’auteur de la Fiammina, ne s’est pas mis en frais d’invention. Il a compté sur la puissance du sentiment maternel, et le succès a justifié son attente. M. Uchard s’abuserait pourtant s’il croyait avoir conquis le droit de bourgeoisie dans la cité dramatique. Les ressorts qu’il a mis en œuvre ne révèlent pas chez lui une imagination très active. Personnages et incidens n’ont rien d’original. Daniel Lambert, le mari de la Fiammina, qui vit seul avec son fils Henri depuis vingt ans, n’est pas dessiné avec une grande vigueur. Les joies de la gloire semblent avoir imposé silence à ses chagrins domestiques. Il songe à son Macbeth, à sa Bataille de Pharsale, deux tableaux admirables que nous ne voyons pas, et qui sont le sujet de toutes les conversations. Henri Lambert préfère Macbeth, tout en louant Jules César. L’entretien de Daniel et d’Henri se recommande par un air de vétusté. Le fils regrette les querelles ardentes des classiques et des romantiques ; le père, attiédi par l’âge, promet à Henri une renommée retentissante, pourvu qu’il étudie les grands modèles. Sous la forme d’un conseil bienveillant, il lui donne une leçon de littérature. Lord Dudley, qui a entendu parler de la Bataille de Pharsale, je veux dire du tableau de Daniel Lambert, sollicite la faveur de visiter son atelier. Nous avons devant nous l’amant et le mari de la Fiammina, qui se voient pour la première fois et ne connaissent pas leur position mutuelle. Lord Dudley, après avoir admiré l’œuvre de Daniel, tire de sa poche une miniature, le portrait de la Fiammina, et demande au mari de sa maîtresse s’il consentirait à peindre un portrait de grandeur naturelle d’après cette miniature. Il offre d’ailleurs de lui faire voir le modèle, sans que le modèle en soit instruit. Daniel refuse, et lord Dudley se retire très étonné de son échec, car pour le prix du portrait il se mettait à la discrétion de Daniel.

La Fiammina est à Paris et chante au Théâtre-Italien. Nous retrouvons Daniel à Auteuil chez Duchâteau, dilettante passionné, entre lord Dudley et la Fiammina. Henri, instruit par son père du nom et de la condition de sa mère, la voit, l’écoute sans lui parler. Il aime Laure Duvhâteau, et le mariage est à peu près arrangé quand le vieux dilettante, en apprenant les fredaines de la Fiammina, retire sa promesse. Henri Lambert, qui la veille, pendant la représentation de la Norma, a provoqué un de ses voisins pour une épithète offensante appliquée à sa mère, et qui a vu son cartel refusé dès qu’il