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la simplicité et de la franchise que Mme Rose mettait dans l’aveu de ses projets.

— J’y ai bien pensé, reprit-elle ; parfois même j’ai eu quelque envie de profiter d’un jour d’abattement pour lui proposer d’aller dans ce far-west solitaire, où la vie agricole a des allures guerrières et le travail un côté aventureux qui séduiraient peut-être M. de Réthel ; mais ces jours de découragement et de lassitude ne durent chez lui qu’une heure. »

Elle réfléchit quelques minutes : « Que faire cependant pour le tirer de ce milieu où il périra s’il y reste ? » reprit-elle.

Cette confiance absolue qui faisait que Mme Rose lui parlait comme à un frère toucha Georges. Il voulut s’élever à la hauteur de cette âme si fière et si chaste, si compatissante aussi. « C’est une œuvre difficile, dit-il ; mais si je puis vous y aider, comptez sur moi. »

Il souffrait bien en parlant ainsi ; mais cette souffrance lui était chère, quand il la comparait à l’abandon et à l’inquiétude où il avait vécu à Paris.

Quand ils arrivèrent à la maison de la Thibaude, ils trouvèrent M. de Réthel en grande amitié avec le petit Jacques, pour lequel il raccommodait une petite charrette de bois avec un petit couteau.

« Je ne m’étonne plus si ce bonhomme s’entend si bien avec Canada, dit-il. Ah ! le gaillard ! Il a gagné cette charrette en se battant à coups de poing contre un enfant deux fois plus âgé que lui !… »

Il prit l’enfant sur ses genoux et l’embrassa. « Tu viendras me voir tous les matins, » dit-il. Et se tournant vers Mme Rose : « Je vous laisse la petite fille, reprit-il ; moi, je prends le garçon. Cela vous va-t-il, la Thibaude ? »

La Thibaude, qui ravaudait des hardes, leva la tête. « Oui, pourvu que je les garde tous les deux, » répondit-elle.

Cette première journée se termina par une tasse de thé que M. de Réthel obligea Georges à prendre chez lui. On aurait dit qu’il voulait l’étudier. Une lampe avait été allumée, et la bouilloire chantait sur son réchaud. Mme Rose lut quelques pages d’un livre nouveau à haute voix. Pas un mot de politique ne se glissa dans l’entretien. Georges, qui regardait M. de Réthel, ne pouvait pas croire que ce fût là cet homme dont la réputation avait un tel retentissement. Un paysan d’Herblay cogna à la porte et pria Mme Rose, qui rendait de petits services à tout le monde, de répondre pour lui à une lettre qu’il tenait à la main. Mme Rose poussa la plume et le papier sur la table, devant M. de Réthel, et le contraignit doucement à écrire.

« Mais je n’y entends rien, dit le comte qui mordillait le bout de sa plume.