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boréales observées dans le Nord. Toujours il y avait coïncidence, et l’aurore boréale avait toujours produit un effet marqué sur la tranquillité de l’aiguille, qui avait été agitée alors de mouvemens extraordinaires. Nous reviendrons là-dessus ainsi que sur les orages magnétiques du globe, si bien étudiés par M. de Humboldt.

Voici à ce propos un fait dont j’ai été témoin un soir à l’Observatoire. Un savant allemand, M. F…, qui s’occupait aussi de l’exploitation des mines pour le compte de compagnies industrielles établies en diverses parties du globe, dit à M. Arago qu’il pouvait lui fournir la date d’une très brillante aurore boréale par lui observée sous le cercle polaire. « Attendez, dit M. Arago, je vais chercher mes registres, et si vous voulez bien écrire, en m’attendant, la date de votre observation, nous jugerons sans incertitude de la coïncidence des perturbations de l’aiguille de Paris avec l’aurore boréale de la Norvège. » Après le départ de M. Arago, M. F… écrivit, je crois, la date de la nuit du 1er  au 2 janvier 1825 pour les pays où il y a une nuit, car alors le soleil ne se levait pas du tout pour les latitudes où était M. F… Je lui demandai naturellement s’il était bien sûr de cette date. — Oh ! parfaitement, car à ce jour et à cette heure ma femme accouchait sur la neige, juste sous le cercle polaire. — Et pourquoi sur la neige ? — Oh ! c’est qu’elle étouffait dans son traîneau. Il faisait très clair à la lueur de l’aurore boréale, et nous voyagions vers les mines de cuivre d’Alten. Ainsi la date de la naissance de mon fils aîné me donne celle de cette brillante aurore boréale. — Il me semble que c’était bien dur pour une femme dans un pareil état de voyager et d’accoucher sur la neige. — Oh ! il fallait que ce fût ainsi. — Comment ? — Oh ! le voici. Comme je terminais mes études à l’université, j’avais, ainsi que plusieurs étudians, une promise. — Qu’est-ce qu’une promise ? — Oh ! c’est comme on dirait en français une fiancée, une personne que je devais épouser. — Eh bien ! — Oh ! nous devions nous marier au bout d’un an, vers Pâques. Et où étais-je alors ? — Je l’ignore. — Oh ! j’étais en Transylvanie, occupé aux mines de… Notre mariage fut donc renvoyé à Pâques de l’année suivante. — Puis il me déduisit avec une forme de discours constamment la même qu’il avait successivement différé son mariage parce qu’il avait visité les mines de l’Espagne, de la Sibérie et du Mexique. Enfin il avait épousé sa promise au passage, entre deux missions minéralogiques, et il trouvait tout naturel que son fils eût vu le jour sous le cercle polaire. Il me dit du reste que sa femme n’avait point souffert de cette rude épreuve. Là-dessus M. Arago arriva avec son registre d’observations, et nous y trouvâmes qu’à la date écrite par M. F… l’aiguille aimantée de l’Observatoire de Paris avait été agitée de mouvemens extraordinaires de plusieurs minutes