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de 50 millions de réaux. Or, en Espagne comme ailleurs, les petits propriétaires sont en majorité, attendu que sur 3,350,000 contribuables, 2 millions d’entre eux n’ont pas un revenu supérieur à 330 réaux par an, soit 80 francs, et 725,000 possèdent un revenu de 1,000 réaux, ou 250 francs seulement. On établit en outre un nouvel impôt, appelé derrama général (derrama veut dire répartition), sorte de contribution à la fois territoriale et industrielle qui devait fournir 80 millions de réaux, et qu’on laissait aux autorités locales le soin de répartir à leur gré. Si quelque chose pouvait surprendre en fait de mesures révolutionnaires, l’histoire du derrama serait des plus curieuses à signaler. M. Bruil avait eu le courage de proposer aux cortès le rétablissement des consumos ; son successeur, M. Santa-Cruz, proposa la même mesure sous un autre nom, et le maréchal Espartero annonça solennellement aux cortès, le 18 mars 1856, qu’il faisait de l’adoption du projet ministériel une question de cabinet. Il était impossible en effet, sans la ressource du produit des consumos, de pourvoir aux dépenses de l’état ; mais c’était le moindre souci de l’opposition, qui crut avoir trouvé en cette occasion le moyen décisif de renverser le ministère. Dans une réunion de députés progressistes, il fut décidé à la hâte qu’on substituerait au plan du gouvernement un impôt appelé derrama général, nom aussi vague que son objet, et qu’on y adjoindrait la ressource, beaucoup plus claire, d’une surcharge de l’impôt foncier. Le général Allende Salazar, ancien aide de camp d’Espartero, vint signifier au duc de la Victoire la résolution progressiste, et le cabinet joua à l’opposition le mauvais tour de l’adopter avec un empressement qui laissa chacun à sa place, mais dont le public dut payer les frais. Un organe conservateur a caractérisé ainsi le derrama : « Les progressistes avaient besoin de 80 millions de recettes ; ne sachant où les trouver, ils se sont adressés aux provinces et aux bourgs, et les ont sommés de les leur procurer comme ils pourraient. » Le derrama n’a pas survécu aux inventeurs de cet expédient, et les consumos viennent d’être rétablis dans le budget de 1857 ; mais le déficit de 1856 n’en existe pas moins, et le nouveau ministère du maréchal Narvaez a dû, au bout de deux mois d’existence, contracter un nouvel emprunt de 300 millions de réaux effectifs qui coûteront au trésor bien près d’un milliard nominal. Enfin il a maintenu au budget de 1857 l’accroissement de l’impôt territorial voté par les cortès dans les circonstances qui viennent d’être rappelées. Et voilà les résultats de deux années de révolution : l’accroissement de l’impôt territorial, la dette flottante doublée, deux impôts forcés, des négociations de titres représentant un capital trois ou quatre fois supérieur aux sommes reçues, la dette de l’état accrue de plus de 3 milliards ; enfin, pour