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Il prit un papier sur la table, y ajouta quelques mots et le cacheta.

« Ceci est mon testament, poursuivit-il ; si je viens à mourir, vous le remettrez à Mme de Réthel. C’est vous que je charge de mes dernières volontés. Je ne vous connaissais pas il y a huit jours, un mot vous a fait mon ami. »

Il se promena quelques instants en silence. Une nuance de tristesse adoucissait le caractère inquiet et hautain de sa physionomie.

« Si j’avais à vous parler une dernière fois, où pourrais-je vous voir à Paris ? » reprit Olivier avec une sorte d’hésitation.

Georges lui tendit sa carte. « Rue de Clichy, 29, dit-il ; je serai samedi chez moi toute la journée.

— Voulez-vous y être vendredi ? vous me ferez plaisir.

— Volontiers. »

Ce dernier mot fit comprendre à Georges que l’événement auquel Olivier avait fait si souvent allusion devait éclater vers la fin de la semaine. On était alors au lundi. Georges le demanda franchement au comte, qui fit un signe de tête affirmatif en ajoutant : « Vous n’en parlerez pas à Herblay. »

Il prit différentes lettres qu’il tira d’un portefeuille caché au fond du caban que lui avait prêté Canada, et les jeta au feu après les avoir parcourues. « C’est une partie perdue, murmura-t-il à demi-voix. Cependant, qui sait ?… »

Le lendemain, au point du jour, on entendit siffler sous les fenêtres de la Maison-Blanche ; c’était Canada qui passait, en donnant le signal du départ. M. de Réthel fut prêt en un instant. Au moment de quitter cette maison dans laquelle il avait dormi tranquille comme un voyageur entre deux étapes également rudes, il pressa la main de Georges avec émotion : « Je vous recommande Mme de Réthel, » dit-il.

Jamais son visage n’avait paru plus bouleversé. Il s’arrêta sur le seuil de la maison et regarda du côté d’Herblay ; puis il fit de la main le geste d’un homme qui prend son parti, et sauta sur le chemin.

VII

M. de Francalin revit Mme Rose dans la journée. Il ne lui cacha rien de ce que M. de Réthel lui avait dit, sauf cependant ce qui avait trait à la prière qu’il lui avait adressée de se trouver à Paris le vendredi suivant. Ce récit fit venir quelques larmes aux yeux de Mme Rose.

« Ah ! dit-elle, s’il avait voulu, nous aurions pu être heureux ! »

Un singulier sentiment de jalousie perça le cœur de Georges. « Vous le regrettez donc bien ? Dit-il.