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der ses intérêts essentiels. Pour la confédération helvétique, il y a une situation jusqu’ici irrégulière à placer sous la sanction et la garantie du droit public. Pour la Prusse, c’est le petit sacrifice d’un droit illusoire. Pour l’Europe, c’est un élément de trouble possible à écarter d’une main modérée et ferme.

Occupée par les affaires de Neuchâtel, la diplomatie n’a qu’à se détourner pour se trouver en présence de cette autre querelle confuse qui a si étrangement surgi entre les cabinets allemands et le Danemark, querelle à laquelle se rattache évidemment une crise ministérielle qui vient d’éclater à Copenhague. Entre le Danemark et les puissances de l’Allemagne, il y a toujours, en effet, ce différend compliqué qui intéresse l’indépendance même de la monarchie danoise. La constitution commune sera-t-elle encore une fois modifiée et révisée sous la pression des états germaniques, pour satisfaire aux récriminations violentes de l’aristocratie du Holstein ? La libre disposition des domaines situés dans les duchés sera-t-elle laissée à ces duchés eux-mêmes, au lieu de rester dans les attributions du conseil supérieur de la monarchie ? Le cabinet de Copenhague, on le sait, a défendu diplomatiquement ses droits sur les divers points ; il a envoyé un plénipotentiaire à Vienne et à Berlin pour appuyer ses notes. L’Autriche et la Prusse ont menacé, un moment de faire appel à la diète de Francfort, et ici s’est élevée une autre question, qui était une complication de plus, celle de savoir si l’affaire était purement allemande, ou si elle n’avait pas un caractère européen. M. de Manteuffel disait récemment, à l’occasion d’une interpellation qui lui a été adressée dans les chambres prussiennes, qu’il marcherait droit avec l’appui de l’Allemagne tout entière. Il n’est pas moins vrai qu’il marcherait droit contre la justice et contre l’indépendance d’un état souverain en cette affaire, lorsque le meilleur moyen serait de trouver une transaction. En réalité, il faut le dire, la Prusse et l’Autriche ont été moins vives et moins promptes que les passions germaniques qui les poussent à l’assaut du petit royaume du Nord ; elles ont hésité un instant, et avant d’aller plus loin, c’est-à-dire avant de saisir la diète de Francfort de cette dangereuse affaire, elles ont songé, à ce qu’on assure, à proposer à Copenhague un arrangement qui ne résoudrait rien sans doute, mais qui aurait l’avantage d’apaiser la querelle pour le moment. Le roi de Danemark, sans abroger la constitution commune, sans la soumettre, comme on le lui demandait, aux états provinciaux, sans contracter d’ailleurs aucune obligation pour l’avenir, s’engagerait néanmoins à consulter les duchés, à écouter leurs griefs et leurs plaintes, sauf à prendre spontanément après cette enquête telle résolution qui lui serait dictée par les circonstances. Cette démarche nouvelle n’a point été vraisemblablement étrangère à la crise ministérielle qui vient d’éclater à Copenhague, et qui est d’autant moins surprenante que des divisions existaient déjà entre M. de Scheele et quelques-uns de ses autres collègues du ministère. Quel cabinet sortira de là, et quelle sera la politique de ce cabinet ? On ne peut le dire encore. Il est bien évident que l’expédient proposé ne dénoue rien, qu’il laisse tout subsister ; il n’a d’autre mérite que d’ajourner la difficulté et de gagner du temps. Plus d’une fois déjà, au milieu de ces complications obscures sous lesquelles se dissimulent des intérêts très réels, on s’est demandé quel parti prendraient les grandes puissances, la Russie, la France, l’Angleterre.