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sceau de l’infaillibilité. Il oublie que d’une année à l’autre un changement de ministère, une nouvelle élection, un mouvement d’opinion peut faire varier la volonté de cet immuable arbitre, et que le lendemain même du jour où ses décrets ont été promulgués, la presse, les pétitions, la clameur des réunions populaires peut en dénoncer l’erreur et en solliciter bruyamment la réforme. Ce sont là des faits simples et notoires qu’on est embarrassé de rappeler, parce qu’on ne sait comment qualifier la légèreté qui les omet.

Il n’y a personne en effet qui ne comprenne que, lorsqu’on réclame pour l’église et pour son chef l’infaillibilité, on réclame pour l’une ou l’autre ce qui n’appartient à personne. On leur attribue une prérogative unique, incommunicable, et qui n’est possible qu’à la condition d’un miracle toujours subsistant, d’une intervention directe et constante du Saint-Esprit. Assimiler cette autorité unique à l’infaillibilité artificielle et provisoire qui n’est que le dernier ressort légal des pouvoirs temporels, c’est confondre le ciel et la terre, ou diminuer l’église et la religion pour les faire passer plus aisément. Est-ce donc par fiction ou convention, est-ce pour terminer les querelles, pour éviter le bruit, est-ce parce qu’un mauvais jugement vaut mieux qu’un long procès, qu’on veut que l’autorité pontificale soit l’interprète divin de la vérité? M. de Maistre, en matière de religion, pense-t-il donc, comme Voltaire, que

la paix que l’on trouble et qu’on aime
Soit d’un prix aussi grand que la vérité même?


Plus grand, faudrait-il dire, car ses raisonnemens vont à conclure, non qu’une infaillibilité existe, mais qu’il y faut croire. Il semble que le titre du saint-siège soit uniquement dans la nécessité d’une décision. C’est pour la même raison que la sentence d’un tribunal de simple police est sans appel dans certaines affaires minimes. Voilà certes le successeur de saint Pierre placé bien haut! Mais l’autorité spirituelle ne statue pas sur des intérêts transitoires. Ses décisions portent sur des choses sacrées, sur des vérités éternelles. Il faut que ses jugemens soient à la lettre irréformables. Lorsqu’elle déclare par exemple que la vierge Marie a été conçue sans péché, elle ne le fait pas pour l’amour de la paix; elle entend proclamer un dogme vrai dans tous les siècles, et sa compétence, si elle existe, ne se fonde pas sur des motifs qui pourraient aussi bien servir à légitimer les ukases de l’empereur de Russie que les sentences d’un juge de paix.

Tel est pourtant le fondement de tout l’ouvrage. Qu’ensuite l’auteur montre historiquement que l’autorité du pape est loin d’avoir été constamment méconnue, qu’elle a pour elle de nombreux témoignages, qu’elle a été souvent exercée utilement, et que son interven-