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de Tegner, ce beau chant à la gloire de Charles XII qui est devenu pour les Suédois un chant national : « Le roi Charles, le jeune héros, il est debout au milieu de la fumée et de la poussière. Il tire son glaive et s’élance dans la mêlée. — Voyons, s’écrie-t-il, s’il mord bien, l’acier suédois! Hors du chemin, Moscovites, et courage, mes garçons bleus! » Et les imprécations contre la Russie, l’ennemie héréditaire, avaient retenti dès les premières réunions scandinaves : « Finlande, tu es toujours notre sœur, et la brise d’orient nous apporte les vœux de plus d’un ami... Un jour, il faut l’espérer, nous ferons voile vers cette côte; nous aurons bientôt tranché les liens qui retiennent les mains de nos frères!... »

On conçoit que, par ce double caractère d’effervescence libérale et d’hostilité contre un voisin redoutable, le scandinavisme ait apparu dès sa naissance comme un mouvement doublement politique en même temps que littéraire et moral. C’est chose curieuse que de reprendre aujourd’hui par le souvenir les espérances que le mouvement scandinave fournissait à l’opposition libérale pendant le règne de Bernadotte, et de calculer ainsi dès-lors ses premiers progrès et sa portée. En 1843, au milieu des périls que semblaient accumuler contre l’indépendance de l’un des trois peuples du Nord, et par conséquent contre l’indépendance de toute la famille scandinave, les incertitudes de la succession danoise, puis les fiançailles de la grande-duchesse de Russie avec le jeune prince de Hesse, qui avait des droits à cette succession; à la fin d’un règne où la libre discussion avait représenté comme menacées certaines libertés constitutionnelles, d’habiles et ardens écrivains signalaient déjà à l’opinion publique le scandinavisme comme l’arme destinée à conquérir la sûreté du dehors et les garanties réputées nécessaires à la dignité intérieure. Charles-Jean mourut en 1844, après avoir lutté contre ces tendances qu’il qualifiait de révolutionnaires, et qui pouvaient compromettre son système d’alliances. Le roi Oscar lui-même, pendant la première année de son règne, témoigna le désir que les étudians suédois ne prissent point part à une fête nouvelle déjà préparée, tant la royauté voyait avec inquiétude l’action de ce mouvement général devenir vraiment politique et faire contre-poids à sa propre influence!

Aussi n’est-ce pas sans étonnement qu’on a vu, lors de la réunion universitaire de juin 1856, le roi Oscar manifester, non pas seulement envers les étudians, mais, on peut le dire, envers le scandinavisme, des dispositions beaucoup moins défavorables. Les jeunes gens de Copenhague, de Christiania et de Lund venant visiter ceux d’Upsal, le roi les invita tous (environ huit cents) à un souper dans le château d’été de Drottningholm, et là il prononça devant eux