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un seul article. Les nouvelles locales sont données à profusion, avec une abondance et une minutie de détails qui impatienteraient un lecteur français. A la suite des nouvelles locales, il est rare de ne pas rencontrer deux ou trois listes de candidats, car les élections sont perpétuelles : élections fédérales, élections pour l’état, pour le comté, pour la ville; élections de députés, d’aldermen, de juges, de collecteurs de taxes, d’inspecteurs de la voirie, etc. Un citoyen exact et zélé a toujours quelqu’un à élire à quelque chose entre son déjeuner et son dîner, et il faut que son journal lui fasse connaître les candidats au poste vacant. Viennent ensuite des statistiques où l’on compare les résultats des élections avec ceux des élections précédentes, pour savoir qui des whigs ou des démocrates a gagné ou perdu des voix. Enfin une grande place est réservée aux nouvelles commerciales, et l’esprit pratique de la nation américaine se retrouve là tout entier. Rien n’est plus lucide, plus sensé, plus nourri de faits et d’argumens que les articles où l’on rend compte du mouvement des valeurs, où l’on apprécie la situation des affaires. Les nouvelles sont classées avec ordre et méthode, résumées avec une concision qui n’ôte rien à la clarté. Quant aux variations des fonds et des denrées sur toutes les places des deux mondes, elles sont scrupuleusement enregistrées, parce que le moindre oubli, le moindre retard, mécontenteraient gravement les gens d’affaires. Presque chaque ligne de cette partie du journal représente une dépêche télégraphique, et lorsqu’on voit ces cotes, qui offrent pour la plupart l’aspect de véritables hiéroglyphes, remplir deux et trois colonnes, et quelquefois davantage, on est effrayé des dépenses que cette accumulation de renseignemens impose aux journaux américains. Lorsque les diverses matières que nous avons énumérées ne suffisent pas, avec les annonces, à remplir le journal, l’éditeur bouche le trou, car c’est là la véritable expression à employer, avec tout ce qui lui tombe sous la main, avec des pièces de vers, avec des citations empruntées aux bons auteurs, quelquefois avec un roman, qu’il découpe en morceaux suivant les besoins de l’imprimerie. En somme, si l’on retranchait d’un journal américain tout ce qui est oiseux et dépourvu d’intérêt, tout ce qui sent le caquetage de petite ville, il resterait souvent assez peu de chose à lire, et un écrivain anglais avait le droit de dire que toutes les nouvelles du plus grand journal des États-Unis tiendraient dans une seule page du Times ou du Daily-News.

Nous ne saurions terminer ces observations sur la presse politique des États-Unis sans dire quelques mots de sa situation morale. Ici encore la vérité ne permet point de conclusion trop absolue. Comme instrument de publicité, la presse américaine joue un rôle immense :