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leur vie entière et le modeste salaire qu’ils gagnent par leur savoir et leur travail à élever un monument à la science, s’épuisant dans un labeur sans relâche pour maintenir leur pays au niveau des autres nations. Cependant on aurait tort de ne voir dans une pareille abnégation et dans un désintéressement si obstiné que le fruit du patriotisme ou l’inspiration d’une âme généreuse : le sentiment religieux a rendu les sacrifices faciles. Familier avec l’esprit qui anime encore les classes élevées de la Nouvelle-Angleterre, nous n’avons pas été surpris de lire à la fin de la préface du cinquantième volume du Journal des Sciences les lignes touchantes que voici : « Quand nous remontons le cours des années écoulées, et que nous songeons aux relations d’autrefois, une foule de pensées s’éveillent en nous, et le souvenir des collaborateurs qui ne sont plus jette une ombre épaisse sur le regard avec lequel nous embrassons le passé. L’attente de l’heure de la délivrance, quand viendra notre tour d’être appelés, arrête l’élan de notre pensée, et modère la confiance que la santé et l’intégrité de nos forces nous inspireraient sans doute, si nous n’étions avertis presque chaque jour par la mort d’un contemporain, d’un collaborateur, d’un ami ou d’un patron. Le moment même où nous écrivons est attristé par un semblable événement, mais nous continuerons à travailler, nous ferons en sorte d’être trouvés au poste que le devoir nous assigne, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à faire pour nous, remettant nos espérances pour une vie future entre les mains de celui qui nous a placés au milieu des splendeurs de ce bas monde, et qui n’a pas pris moins de soins pour notre passage dans un monde meilleur. » Depuis que ces lignes ont été écrites, plusieurs années se sont écoulées sans que les efforts de M. Silliman se soient ralentis, et les amis de la science espèrent qu’il pourra continuer longtemps encore son utile et honorable entreprise.

Nous ne pouvons quitter ce sujet sans donner quelques chiffres qui feront juger de l’accroissement des recueils mensuels aux États-Unis : on en comptait 26 seulement en 1810, 140 en 1835, et 175 en 1850 : le nombre actuel de ces recueils ne saurait être évalué au-dessous de 200.

Les recueils trimestriels auxquels, en Amérique comme en Angleterre, le nom de revues est plus spécialement affecté, sont de date récente aux États-Unis, et ont eu beaucoup de peine à se faire une place dans les rangs de la presse. Ils sont voués par nature aux discussions philosophiques et littéraires, et le contenu en est trop grave et trop sérieux pour un peuple qui, à aucun degré, n’a le goût de la métaphysique, et qui ne cherche dans la lecture qu’une distraction ou un moyen d’instruction rapide : en outre ils ont le tort, impardonnable en Amérique, d’être devancés sur toutes les