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n’ont rien de commun avec la prospérité matérielle de la nation. Les magasins peuvent s’emplir, les navires peuvent emporter sur l’aile des vents les richesses du coin de terre que nous habitons, sans rien changer aux lois morales, que nous devons respecter. L’étude de l’histoire est le plus sûr moyen de populariser la valeur de ces lois. C’est pourquoi j’attache une immense importance à toutes les œuvres consacrées au récit du passé, conçues lentement, exécutées par un esprit patient. Or le livre de M. Poirson se présente précisément dans ces conditions.

On m’a conté qu’il voulait d’abord écrire un volume ; puis la matière s’est agrandie à mesure qu’il l’étudiait, et sans le vouloir, sans l’avoir prévu, M. Poirson a écrit trois volumes. Loin de moi la pensée de lui reprocher son imprévoyance; il n’avait pas mesuré d’abord l’étendue du champ qu’il avait à parcourir. Quand il s’est aperçu de sa méprise, il n’a reculé devant aucun effort. Il a senti la nécessité de se livrer à des investigations nouvelles pour obtenir la vérité qu’il cherchait, et ne s’est pas effrayé de la tâche qui s’offrait à lui. Nous connaissons désormais d’une manière complète tous les événemens compris entre 1589 et 1610. Ce que l’avenir pourra nous apprendre à cet égard ne changera pas grand’chose aux jugemens qu’il nous est permis de porter aujourd’hui. La maison de Bourbon a joué un rôle immense dans la vie de la nation française, et l’écrivain qui raconte fidèlement le règne de Henri IV rend à son pays un service éminent. Qu’il soit absorbé par l’érudition et néglige d’insister sur le sens politique des événemens, c’est un malheur sans doute; mais comme il a tout vu de ses yeux, comme il a fait tout ce qui dépendait de lui pour s’éclairer, nous sommes assurés, en le prenant pour guide, de ne pas nous égarer. Que son sentiment s’accorde avec le nôtre ou le contrarie, nous sommes certains du moins de ne pas faire fausse route. Il expose les faits; nous pouvons les juger librement. Il place sous nos yeux les événemens racontés par les témoins oculaires; il a lu et consulté tout ce que nous serions forcés de lire, si nous voulions connaître complètement la période qu’il a choisie comme sujet de ses études. Sa bonne foi n’est pas douteuse. Nous savons qu’il appartient à la science, et que jamais les passions politiques n’ont altéré la rectitude de son jugement. Si son opinion ne s’accorde pas avec la nôtre, ce n’est pas qu’il se laisse entraîner par des prédilections que nous pourrions condamner. Entouré de livres, étranger à tous les mouvemens qui se produisent, il s’est fait le contemporain des événemens qu’il raconte, et arrive à son insu à partager les illusions des hommes dont il accueille le témoignage. Une critique sévère peut le blâmer; mais tout en le blâmant, elle doit reconnaître qu’il n’a