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de droit public qui se rattachent à son avènement, toutes les questions de politique intérieure ou extérieure comprises dans son règne. Les missions diplomatiques et les mesures économiques tiennent une grande place dans son livre, et quand on a tourné la dernière page, on connaît sur le bout du doigt les relations de la France avec l’Europe depuis la mort de Henri III jusqu’à l’avènement de Louis XIII. La conduite et les projets de Sully sont expliqués de manière à contenter les esprits les plus curieux. La tâche de l’historien ainsi comprise a déjà de quoi contenter son ambition, et pourtant l’auteur ne s’en est pas tenu là. Après avoir traité les questions de finances, d’agriculture, de commerce, d’industrie, il traite avec le même soin toutes les questions qui intéressent le développement du génie national. Sciences, littérature, beaux-arts, il a tout abordé sans s’effrayer du champ qui s’ouvrait devant lui. Peut-être n’a-t-il pas étreint d’une main assez puissante tous les épis qu’il avait moissonnés, peut-être n’a-t-il pas noué la gerbe qu’il nous donne d’un lien assez solide; mais sa faucille n’a pas laissé grand’chose à glaner. Ceux qui viendront après lui pourront ordonner d’une manière nouvelle les faits qu’il a recueillis, il est douteux qu’ils recueillent des faits nouveaux. C’est pourquoi on est obligé d’attribuer au livre de M. Poirson une très grande valeur, car c’est, dans le domaine scientifique, un des ouvrages les plus consciencieux qui honorent notre temps. A proprement parler, il ne raconte pas ce qu’il sait, il se contente de l’exposer. Aussi pour les hommes d’étude son livre est une œuvre satisfaisante; mais pour ceux qui désirent l’union d’une forme attrayante et d’un enseignement sérieux, c’est une œuvre incomplète, car l’histoire est tout à la fois une science et un art. La science privée du secours de l’art effarouche les esprits qui n’aiment pas la vérité pour elle-même, et le nombre en est grand. L’art privé du secours de la science n’offre au lecteur qu’un passe-temps puéril. Quelle que soit mon estime pour la science pure dans le domaine historique, je regrette que M. Poirson, qui a vécu dans le commerce familier des grands écrivains de l’antiquité, n’ait vu dans le règne de Henri IV qu’un sujet d’étude et d’enseignement. S’il eût essayé de vivre de la vie de ses personnages, de les mettre en scène, son livre, au lieu d’obtenir un succès inférieur à son mérite, serait aujourd’hui connu de tous ceux qui aiment l’histoire de leur pays, mais qui ont besoin d’être attirés vers la science, et n’osent l’aborder quand elle se présente seule et sans ornement. Vouloir appliquer à l’histoire les procédés de style qu’on emploie dans un traité de chimie ou de botanique, c’est se tromper, c’est méconnaître la nature du sujet qu’on a choisi. La décomposition et la composition des corps, le développement et la reproduction des