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thie aux deux croyances, il eût rendu son règne plus facile. Son respect pour la liberté de conscience, en faisant de son gouvernement une tâche plus laborieuse, a marqué sa place parmi les souverains les plus aimés.

Le livre de M. Poirson, écrit en vue de la seule vérité, semble destiné à justifier la vénération traditionnelle qui entoure le nom de Henri IV. Après avoir lu ces pages savantes, où l’œil le plus clairvoyant ne saurait surprendre le désir de conquérir la faveur populaire en atténuant la portée d’un fait, on sent que la sympathie des générations qui nous ont précédés ne s’est point égarée. Henri IV n’était pas un homme de génie ; mais quoiqu’il fît semblant de se décider par lui-même en toute occasion, il écoutait avec attention, avec profit les avis qui combattaient le sien. Ceux qui lui apportaient leur pensée, heureux de la voir appliquée, lui en laissaient volontiers l’honneur et ne songeaient pas à se plaindre. Il se montrait si joyeux d’accomplir un dessein qu’il n’avait pas formé, que l’indiscrétion eût été de mauvais goût. Comment ne pas accepter sans dépit ce petit manège de roi ? Les souverains ne savent pas tout ; ils s’instruisent, comme les autres hommes, à la sueur de leur front ; c’est chez eux un travers fréquent de ne vouloir pas avouer qu’ils ignorent. Pourvu qu’ils consentent à écouter ceux qui savent, on aurait mauvaise grâce à leur demander un aveu en forme. Henri IV, dont la pensée n’embrassait pas un vaste horizon, mais qui possédait pour le gouvernement une aptitude singulière, aimait à s’instruire, à s’éclairer, pour se tenir à la hauteur de sa tâche. Non-seulement il écoutait sans impatience ceux qui venaient solliciter son attention pour leurs projets, mais il interrogeait avec empressement les hommes dont le savoir était prouvé, pour donner à ses idées personnelles une forme plus précise et les rendre plus facilement applicables. De la part d’un souverain, cela s’appelle modestie. M. Poirson, en dessinant la figure de Henri IV, n’essaie pas de dissimuler ses faiblesses ; il ne tente pas de grouper les témoignages qui s’accordent avec ses prédilections, en laissant dans l’ombre ceux qui pourraient les blesser. Il dit ce qu’il sait, il nous associe à ses lectures, et arrive sans effort au but qu’il se proposait. Si les contemporains eussent donné tort à la tradition populaire, M. Poirson s’en fût affligé sans doute, mais il n’aurait pas lutté contre l’évidence. Les contemporains l’ont affermi dans sa croyance, il s’en réjouit, et ne cherche pas à le cacher. Ce qui excite surtout son admiration dans le Béarnais après l’amour de la justice, c’est l’art de gagner les cœurs. C’est en effet un don précieux chez un souverain, et l’art de se faire aimer entre pour beaucoup dans la pratique du gouvernement. La crainte contient, l’affection entraîne ; Henri IV ne l’ignorait pas.