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qui peuvent faire écarter son compétiteur et ranimer la confiance de ses partisans par l’assurance du succès. Ainsi engagé sur toutes les affaires publiques, le débat intéresse le peuple tout entier aux destinées du pays; il le fait pénétrer dans toutes les questions qui touchent à la grandeur et à la prospérité de l’Angleterre, à sa bonne administration, à la gestion avantageuse de ses finances; il lui fait connaître tous les progrès qui améliorent la condition des classes laborieuses, et il lui apprend comment les candidats entendent justifier la confiance des électeurs. Sans doute de tels discours ne sont pas des harangues de parlement approfondies à loisir, finement aiguisées, ornées de citations grecques ou latines, et il fallait être servi comme M. Disraeli par les plus heureux dons d’une parole pleine de saillies pour s’engager hardiment à garder avec ses auditeurs le langage qu’il aurait tenu devant les membres de la chambre des communes. Cependant les traditions des hustings ont leur part d’influence sur le caractère qui distingue en Angleterre la parole politique; elles donnent même aux orateurs du parlement ces habitudes d’aisance et de simplicité qui sont nécessairement de mise dans ces grandes assemblées de la place publique, avec un peuple ennemi de la déclamation, même passionnée, plein de défiance pour la rhétorique, et aimant à se vanter de n’être pas le peuple athénien[1].

Si l’on peut trouver souvent dans les discours des hustings des exemples de gravité parlementaire, il ne faut pas néanmoins oublier de faire la part des incidens qui en sont parfois comme les intermèdes comiques, et qui demandent encore aux candidats un grand talent d’à-propos. Le jour de la nomination des députés du comté de Middlesex, à Brentford, lord Robert Grosvenor était mal accueilli par la populace rassemblée devant les hustings, et qui lui gardait rancune de la proposition qu’il avait faite au parlement en 1855 pour la fermeture des boutiques de consommation pendant toute la journée du dimanche. Au milieu du tumulte, on lui présente au bout d’une perche une petite boîte disposée en cercueil et où l’on a écrit son nom à la craie. Loin de se troubler, il réplique qu’il a devant lui un gentleman (c’était un homme en guenilles) qui n’était pas seulement disposé à prendre soin de lui pendant sa vie, mais qui se préoccupait encore de lui rendre service après sa mort; il ajoute « qu’il doit le remercier de mettre ainsi sous ses yeux un souvenir de mortalité, afin de ne pas lui laisser oublier devant quel tribunal chacun ira rendre compte de ses actions et faire juger la droiture de ses intentions. » Il y a des candidats avec lesquels le jeu des interruptions bruyantes peut coûter cher à ceux qui se le permettent,

  1. Voyez le Times du 27 mars.