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bas et marécageux. Les vents du nord-est qui y souillent pendant la plus grande partie de l’année condensent sur le versant des montagnes des nuages qui retombent en pluie sur la côte. Les mêmes causes assurent au contraire une grande salubrité aux rivages du Pacifique; la saison des pluies y est rarement de plus de quatre mois. L’élévation relative du territoire en écarte les fièvres, si fréquentes dans ces latitudes, et le rideau des Cordillères maintient une précieuse égalité de température.

Le voyageur qui arrive à Panama après avoir suivi la côte aride et brûlée du Pérou est vivement frappé de l’admirable tableau que déroule à ses yeux un golfe profond et capricieusement découpé. C’est d’abord l’archipel des Perles, collier d’émeraudes égrené à la surface des flots; plus loin, les charmantes îles de Perico, d’Urava, de Flamingo, de Taboga et autres, qui entourent la baie d’un cercle de verdure; au fond brillent sous les feux du soleil les vieilles murailles et les blanches maisons de Panama. Les montagnes, qui cachent un autre Océan, viennent baigner leur pied dans la mer, et les forêts qui les couvrent étalent les magnificences de la végétation tropicale. En approchant du port, le paysage change de caractère : une crique s’enfonce dans un épais rideau de cocotiers, sous lequel s’abrite la frêle cabane de l’Indien; à gauche, perchés sur les rochers, se dressent les remparts avec leurs tours et leurs guérites ou poivrières, et plus loin le môle construit en bois, toujours rempli d’une foule remuante et bariolée, qui charge et décharge les goélettes éparses dans la baie.

Ce port est un exemple de l’énergique expansion des Américains et du progrès continu de leurs envahissemens. Ici, comme aux îles Sandwich, la ville leur appartient malgré le pavillon néo-grenadin qui flotte sur les murs; langage, journaux, habitans, commerce haut et bas, jusqu’à l’argent, trait significatif, tout est yankee. De là le contraste singulier d’une foule affairée qui s’agite dans une ville où tout conserve l’empreinte espagnole. Panama est restée à peu près telle qu’elle fut reconstruite après que le flibustier Morgan eut, en 1671, détruit et brûlé l’ancienne ville. Peu de constructions sont nouvelles; les rues sont étroites, bordées de hautes maisons qu’entoure l’inévitable balcon vert fermé au regard du passant; le rez-de-chaussée seul, avec ses bars (tavernes) si chers à l’Américain, vous rappelle le présent. De nombreuses églises, dans les ruines desquelles paissent tranquillement des mules, témoignent de la piété des premiers conquérans; aujourd’hui la population se contente des deux seules qui subsistent. La cathédrale, située sur la place, est un échantillon bien conservé du type adopté par les Espagnols pour tous les temples de grande dimension qu’ils ont construits dans le Nouveau-Monde. A l’extrémité de la rue principale, une porte d’une