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accueillie ù Vienne, parce que les Autrichiens, ne pouvant s’établir dans les principautés, ne demanderaient pas mieux que d’y voir les Turcs dans la circonstance actuelle ; mais elle a été reçue avec une singulière froideur à Londres comme à Paris, à Pétersbourg comme à Berlin. Partout on aurait pu répondre au cabinet ottoman que ce travail d’opinion qui l’inquiète, c’est justement ce que l’Europe veut connaître, que cette agitation n’a de dangers qu’en raison de la compression et des violences qu’on exerce pour paralyser l’expression sincère du désir public. En Valacliie, soit qu’on ait reconnu l’impossibilité d’arrêter un mouvement qui sem])le se prononcer de plus en plus, qui paraît devenir chaque jour plus invincible, soit que l’arrivée des commissaires européens ait eu une salutaire inQuence, une certaine liberté a fini par régner ; mais c’est en Moldavie que se sont concentrés particulièrement tous les efforts pour combattre le progrès des idées de fusion. Les adversaires de ces idées ont pensé que si un vœu favorable à l’union était émis dans le divan de la Valachie, ce vœu pourrait du moins être balancé par une manifestation contraire du divan moldave. Aussi le ministre de l’intérieur du caïmacan de Moldavie s’est-il mis résolument à l’œuvre, suspendant les journaux, supprimant les comités, dissolvant les réunions les plus paisibles, poursuivant tous ceux qui étaient favorables à la fusion, révisant lui-même les listes électorales ; il a eu un instant la pensée de faire présider les opérations du scrutin par les préfets. Or sait-on ce qui est arrivé plus d’une fois en pareil cas ? Le préfet présidait effectivement les opérations électorales ; il dépouillait les votes, lisait invariablement le nom de son candidat, brûlait aussitôt le bulletin, et tout était dit. Ces manœuvres se sont produites avec d’autant plus de hardiesse en Moldavie, que la commission européenne était restée jusqu’ici à Bucharest, et n’avait point paru à Jassy. Aujourd’hui cependant les représentans de l’Europe viennent de se rendre en Moldavie. Le ministre français a été reçu à Jassy comme il avait été reçu à Bucharest, et la fermeté de ses paroles contribuera sans doute à ranimer la confiance dans les populations en même temps qu’elle pourra intimider cette espèce de conjuration ourdie par quelques instrumens de l’Autriche et de la Turquie. L’Europe n’a point à dicter des vœux aux populations roumaines, mais elle a tout au moins le droit de protéger leur liberté dans l’expression de ce qui convient le mieux à leurs instincts, à leurs besoins et à leurs intérêts.

Au milieu de ces questions diverses qui s’agitent à la surface de l’Europe, quel sens faut-il attacher aux voyages du saint-père dans les Légations, de l’empereur d’Autriche en Hongrie ? Si ces excursions n’étaient simplement que des distractions de souverains parcourant leurs états, elles n’auraient point de place dans la politique ; mais il n’en peut être ainsi évidemment. Le voyage de Pie IX dans la Romagne est inspiré par une pensée politique, et doit avoir des conséquences. On sait à quel point les Légations ont été souvent agitées ; on n’ignore pas les conditions difficiles de ces provinces, soumises depuis longtemps à l’occupation autrichienne, l’inquiétude, le malaise des populations, et les idées de séparation qui se sont répandues. Le souverain pontife a voulu sans doute combattre ce travail par sa présence, voir de plus près l’état du pays, s’assurer des véritables besoins publics. Accompli dans ces conditions, ce voyage peut être une enquête utile pour les po-