Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/507

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ajouter qu’elles s’aggravèrent chaque jour par ces avanies sans nombre dont le génie chinois possède si merveilleusement la science.

Un siècle plus tard, en 1637, les Anglais se montrent pour la première fois devant Canton ; mais ils se prennent de querelle avec les Chinois et bombardent les forts de Bocca-Tigris, exploit dont nous avons eu depuis à plusieurs reprises, et l’an dernier même, l’inutile répétition. Ce bombardement est suivi d’un départ que les autorités chinoises qualifient de retraite, et dont elles ne manquent pas de se faire gloire. Il y avait bien des gens qui avaient vu le vrai des choses et l’échec éclatant des armes impériales; mais quand le cri de victoire est poussé par des milliers de bouches, et surtout quand la suite des événemens semble donner raison à ceux qui le poussent, on en croit plus volontiers leur témoignage que ses propres yeux. N’avons-nous pas vu de nos jours, dans des contrées plus rapprochées de nous que la Chine, certaines défaites changées ainsi en victoires par des gouvernemens intéressés à tromper les peuples?

Ce conflit n’empêcha pas les relations de se rétablir entre les Anglais et les Chinois, et elles étaient en pleine activité sept ans après, lorsque survint l’invasion tartare. Les nouveaux venus ne firent que renchérir sur la politique jalouse de leurs devanciers, et ils multiplièrent les entraves apportées au commerce. Ces entraves devinrent si pesantes, que les marchands anglais cherchèrent s’il ne leur serait pas possible d’en diminuer la rigueur en se conciliant par des présens la faveur impériale. Ils s’adressèrent aux mandarins pour savoir ce qui pourrait plaire au fils du ciel. On leur conseilla d’envoyer des volailles et des animaux extraordinaires. Cependant, malgré la passion des Chinois pour les monstruosités, ce tribut payé à leur goût ne procura pas au commerce européen une condition meilleure, et en 1744 survint une nouvelle avanie dont on porte encore aujourd’hui les conséquences. — Les mandarins décidèrent que le soin de toucher aux affaires de commerce étant au-dessous de leur dignité, les rapports entre les Chinois et les Européens n’auraient plus lieu désormais que par l’intermédiaire des négocians hongs. — On voulut résister, on menaça de se retirer; mais les mandarins tinrent bon, et la persévérance manquant aux marchands, ils augmentèrent ainsi, par un semblant de résistance non suivi d’effet, le triomphe des Chinois. Peu de temps après, une querelle, qui éclata entre les équipages de deux navires français et anglais à Whampoa, avança encore les choses. Les deux pavillons rivaux, ne pouvant s’accorder, eurent la malheureuse idée de prendre les mandarins pour juges, et ce recours à leur arbitrage fut considéré et présenté par eux comme un acte de soumission des barbares à la supériorité de leur sagesse et de leur puissance.