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On en était là en 1759, lorsque la compagnie anglaise, voulant échapper aux difficultés sans cesse renaissantes qu’elle trouvait à Canton, envoya son interprète, M. Flint, fonder un établissement à Ning-po, à quelque cent lieues plus au nord. Les mandarins de King-po, surpris, consentirent à recevoir le navire, à la condition toutefois qu’il débarquerait ses armes en attendant la réponse de Péking. La réponse fut un refus, fondé sur cette remarquable raison : que l’empereur perdrait les revenus recueillis dans le transit de province à province du thé et des autres marchandises apportées par terre des environs de Ning-po à Canton. Cette raison, toute plausible qu’elle pût être, n’était pas la bonne; le véritable motif du refus était la résolution du gouvernement chinois de n’avoir de contact avec les barbares que sur un seul point facile à surveiller. M. Flint, homme d’une grande énergie, se rendit à Péking, et réussit à faire parvenir ses réclamations jusqu’à l’empereur. Il fut honorablement renvoyé à Canton; mais là on lui remit un décret qui l’exilait à Macao, pour avoir tenté d’établir une factorerie à Ning-po contrairement aux volontés impériales. Saisi par les mandarins, M. Flint fut détenu pendant deux ans, puis embarqué pour l’Angleterre. La politique d’intimidation avait été essayée, elle avait réussi, et le commerce britannique se borna à protester malgré le peu de sécurité que de pareils actes devaient lui promettre. Bien plus, trois ans après, un vaisseau de guerre anglais arriva à Canton; les mandarins, affectant de ne pas reconnaître son caractère, voulurent le mesurer, et le capitaine anglais s’y soumit.

J’en ai déjà trop dit peut-être sur toutes ces insultes patiemment supportées au siècle dernier, dans les parages de la Chine, par les Européens. Je veux pourtant encore citer deux exemples qui montreront jusqu’à quel point l’intérêt mercantile fit taire le sentiment de la dignité chez la plus orgueilleuse et la plus puissante des nations maritimes de l’Europe.

Le premier de ces faits eut lieu en 1784. Des Chinois passant près d’un navire anglais au moment d’un salut sont blessés par une décharge. Les autorités chinoises exigent que le malheureux maître canonnier du navire leur soit livré, et elles le font étrangler. Le Commerce de la compagnie des Indes ne reçoit, il est vrai, aucune interruption !

L’autre fait se passa en 1808, Lord Minto, gouverneur des Indes, feignant de craindre une tentative des Français sur les possessions portugaises, avait jugé à propos de les faire occuper par des troupes de la compagnie : Macao reçut en conséquence une garnison que l’escadre de l’amiral Drury vint y débarquer; mais aussitôt les autorités chinoises prirent feu, et écrivirent à l’amiral pour lui l’appe-