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ractère d’ambassadeur, et sa mission n’avait guère eu d’autre résultat que d’intéressantes notions fournies à l’Europe sur l’empire chinois. Ce fut lord Amherst qui fut envoyé en 1816; mais lord Amherst ne fut pas reçu par l’empereur. On voulut le soumettre aux formalités d’une étiquette dégradante; il répondit qu’il ne s’y soumettrait que si un mandarin d’un rang égal au sien adressait en même temps les mêmes hommages au portrait du prince régent d’Angleterre. Cette condition ne fut pas acceptée, et lord Amherst revint par terre à Canton sans avoir accompli sa mission. Là l’insolence chinoise lui ménageait une nouvelle indignité : l’entrée du port fut refusée aux navires de guerre qui venaient le chercher, on voulait par là rabaisser l’ambassadeur anglais au-dessous de ceux de Siam et de Cochinchine, dont les navires étaient admis à remonter le fleuve. Cependant, malgré le danger qui pouvait en résulter pour la vie des envoyés, les officiers anglais n’hésitèrent pas à forcer le passage en bombardant les forts de Bocca-Tigris. Lord Amherst put se rembarquer en sûreté, et il est digne de remarque que cette ambassade avortée et terminée par un combat ait été suivie de la plus longue période de commerce pacifique et de relations tolérables qui se fût encore écoulée jusqu’à cette époque. Ne voyait-on pas déjà quel était le seul langage qu’il fallait parler aux Chinois pour s’en faire entendre? Les choses allèrent ainsi, sans nouveau conflit, jusqu’en 1834, où expira la charte de la compagnie des Indes.

Ici s’ouvre une nouvelle période dans l’histoire des rapports entre les Chinois et les Européens. Les débris du commerce que la France entretenait avec la Chine ont été balayés pendant les guerres de notre révolution. Les Américains n’ont pas encore d’intérêts importans dans ces parages. Le gouvernement anglais se trouve seul à tenir tête à l’insolence des mandarins, et l’on peut espérer que cette insolence, après deux siècles d’impunité, va enfin trouver des limites. C’est l’époque où la contrebande de l’opium va exercer une grande influence sur les relations établies entre l’Occident et le Céleste-Empire, et où elle donnera lieu à une guerre bien connue. Il n’est pas dans notre sujet de rappeler ici les longues discussions soulevées par ce trafic et d’en apprécier la moralité, comme on l’a fait, en recherchant ce qu’il y a de plus ou moins funeste dans les effets de l’opium sur notre organisme, en faisant ressortir la différence qu’il y a entre l’usage et l’abus, et en examinant s’il n’est pas aussi légitime d’exporter cette drogue que les liqueurs alcooliques que l’on débite sans scrupule sur tous les marchés du monde. Grâce à Dieu, nous n’avons aucun intérêt dans cette question; mais ce qui nous est bien permis, c’est d’exprimer notre regret que le commerce européen, après s’être montré si longtemps aux yeux des Chinois