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frais de la guerre, cédait aux Anglais l’île de Hong-kong, consentait à ouvrir au commerce européen quatre nouveaux ports, à y laisser établir des consuls, et se soumettait à d’autres conditions qu’il est inutile d’énumérer. Quant à l’opium, sujet de la querelle, les Chinois payaient la valeur de celui qu’ils avaient détruit à Canton en 1839, et il n’en était plus question. La vente en restait donc implicitement défendue. Si le gouvernement impérial sauvait en ce point sa dignité, le commerce anglais de son côté n’y trouvait peut-être que mieux son profit. Peut-être le trafic de l’opium laissé aux mains de la contrebande devait-il être plus fructueux que s’il se fût fait à ciel ouvert, sans compter que l’entrée de l’opium permise eût nécessairement entraîné l’autorisation de la culture du pavot en Chine. Le statu quo prévenait cette concurrence.

Ce traité était pour la Chine un grand événement; son gouvernement venait de faire un acte de soumission au droit public des nations civilisées; pour la première fois il traitait de puissance à puissance avec les barbares de mer; pour la première fois ces barbares se trouvaient placés vis-à-vis des Chinois sous la sauvegarde d’actes officiellement destinés à protéger leurs personnes et leurs propriétés.

Les Américains, dont les relations avec la Chine s’étendaient tous les jours, se hâtèrent de profiter de la brèche faite aux prétentions et à l’isolement du Céleste-Empire, et conclurent un traité analogue à celui qu’avait conclu l’Angleterre.

La France vint en troisième ligne. Son commerce avec la Chine était peu important, mais la prospérité croissante dont nous jouissions à cette époque, les sages principes sur lesquels elle reposait, faisaient espérer qu’un peu de l’esprit d’entreprise qui commençait à se réveiller se tournerait vers l’extrême Orient, où, un siècle auparavant, nous avions joué un si grand rôle. Nous avions en outre un devoir plus immédiat et plus délicat à remplir. Il nous était impossible de laisser échapper l’occasion fournie par la défaite du gouvernement chinois sans élever la voix en faveur de nos missionnaires et de nos coreligionnaires indigènes. C’était un devoir d’honneur auquel le plénipotentiaire de France se garda bien de manquer, et il obtint, sinon tout ce qu’il désirait, au moins un édit de l’empereur, rendu sur la proposition du négociateur chinois Keing, qui mettait fin aux persécutions dirigées depuis tant d’années contre les chrétiens du pays. Cet édit interdisait, il est vrai, aux missionnaires catholiques d’aller exercer leur saint ministère dans l’intérieur de l’empire; mais, prévoyant que cette défense serait lettre morte, il ordonnait que, lorsqu’ils seraient découverts, on les reconduisît sur le littoral pour les remettre sains et saufs aux consuls de France.