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toutes les autorités d’un vaste empire, et avec un brick de douze canons, monté de cent hommes d’équipage, fermant l’entrée du port et ne craignant point d’affronter une flotte immense. Il y a loin de cette conduite aux faiblesses qui, renouvelées pendant plus d’un siècle, avaient amené les Chinois à croire qu’ils étaient le premier peuple du monde, et que tout devait s’humilier devant eux. Cependant, un nouveau brick de guerre étant arrivé à Shanghaï, le consul l’expédia à Nanking, chef-lieu de la province et séjour du vice-roi. Les officiers anglais furent reçus par le vice-roi lui-même avec une grande courtoisie, et il fut fait droit à toutes leurs demandes. Les hommes qui avaient maltraité les missionnaires furent amenés à Shanghaï la cangue au cou, et le mandarin de cette ville fut destitué pour avoir été malhabile et pour avoir donné aux étrangers l’occasion de cet acte de vigueur; mais sa destitution fut prise par tout le monde pour une satisfaction accordée aux exigences des barbares. Les vieilles traditions de la politique chinoise tournaient ici contre les Chinois eux-mêmes, signe manifeste que les temps étaient bien changés. J’ai cité cet incident, parce qu’il montre combien il en coûte peu pour trouver les Chinois autres qu’ils sont à Canton. M. Alcock, le consul, et M. Parkes, l’interprète, montrèrent dans cette occasion une intelligence et une énergie remarquables, et lorsqu’on lit leurs dépêches, on ne peut s’empêcher d’envier la destinée d’un peuple servi par de tels agens. Quand le gouvernement impérial sut les détails de cette affaire, tout était terminé. Il se borna à se plaindre que l’on fût remonté à Nanking, et à demander de nouveau que toutes les négociations diplomatiques passassent à l’avenir exclusivement par Canton. Là seulement en effet les mandarins se sentaient dans leur élément; partout ailleurs les traditions de leur politique, leurs subterfuges, leur corruption, étaient frappés d’impuissance.

Tel est donc l’état des choses. Les frais de la guerre ont été payés, Chusan évacuée, la colonie de Hong-kong établie, toutes les conditions enfin remplies par les Chinois, sauf une seule : ils refusent aux Européens l’entrée de Canton, et à leurs agens diplomatiques le droit de conférer librement et verbalement avec le vice-roi de cette ville, délégué par l’empereur pour connaître de toutes les affaires avec les barbares. C’est là une infraction grave au traité, et ce doit être une cause de difficultés pour l’avenir; mais les choses n’en suivent pas moins quelque temps un train pacifique et régulier. Les mandarins, d’une part, ne sont guère en état ni en disposition d’engager avec l’Europe une nouvelle querelle : la Chine vient d’être agitée par un changement de règne, et la grande insurrection des adorateurs de Dieu ébranle le trône du nouvel empereur. D’autre