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le fleuve. On remonterait alors par terre et par eau, au milieu d’un pays complètement plat, jusqu’à Tien-tzin, grande ville située à vingt-cinq lieues de Péking, dont elle est le port et où les grosses jonques qui viennent du Japon et des pays lointains déchargent leurs marchandises. Là sans doute serait concentrée toute la résistance, car il n’est guère à croire que l’empereur, quelque affaibli qu’il soit, se rende sans combat; mais ce combat ne serait ni bien long, ni bien sanglant. La victoire une fois remportée, et la résolution des alliés, la supériorité de leurs forces, la puissance de leurs moyens de destruction de nouveau bien constatés, l’empereur cédera; ce qui s’est passé en 1842 et ce que l’on sait du caractère chinois permettent peu d’en douter. Il cédera d’autant plus volontiers qu’on ne lui demandera pas de concessions territoriales, et qu’il lui restera l’espérance, qu’un Chinois ne perd jamais, de reprendre par la ruse et la perfidie ce qu’on lui a arraché par la force. Cependant ces prévisions pourraient ne pas se réaliser; il se pourrait que la lutte se prolongeât et que l’empereur se retirât en Tartarie. Ce sera alors aux délégués des puissances alliées chargés de la direction de l’expédition de poursuivre la guerre, de suppléer à l’empereur absent, et de prendre toutes les mesures propres à pousser jusqu’au bout le succès de l’œuvre entreprise.

Ce succès une fois obtenu, et le gouvernement chinois, quel qu’il fût, lié par un traité, il s’agirait de le faire exécuter. Ce serait l’œuvre des escadres alliées, et ici il m’est impossible de ne pas signaler le rôle important que la marine, et surtout la marine nouvelle, les canonnières et tous ces avisos légers, quoique armés de la plus puissante artillerie, joueraient dans toute cette campagne; il m’est impossible de ne pas faire remarquer comment la Chine, avec les voies innombrables qui y sont ouvertes à la navigation, avec ses fleuves, ses lacs, ses canaux, sur lesquels flottent des jonques de 300 tonneaux, se prêterait merveilleusement à l’action de ces navires dont la puissance formidable a été révélée par une récente expérience. On a vu dans la Baltique et dans la Mer-Noire quels ravages exerce l’artillerie navale, surtout dans les rangs pressés des troupes de terre. Or en Chine cette grosse artillerie, accompagnant partout les troupes européennes, leur prêterait une force irrésistible. Les canonnières seraient en même temps employées à remorquer partout des vivres, des approvisionnemens, des casernes flottantes, tout ce matériel dont la réunion et la mobilisation constituent peut-être la plus grande difficulté de la guerre. Enfin, la paix faite, ce seraient encore nos bâtimens à vapeur qui seraient chargés d’aller faire conîiaitre jusqu’aux extrémités de l’empire, jusqu’aux frontières du Thibet, la révolution accomplie, et de donner à ces populations lointaines la première impression de la puissance et de la supério-