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ter à l’idée qu’on doit se faire de l’esprit de l’un, il ne rendrait pas l’autre plus plausible; il ne ferait que démontrer d’une manière plus saisissante l’impossibilité de concilier cette philosophie prétendue catholique avec les idées, les sentimens et les besoins des sociétés modernes, et la nécessité de délivrer de toute alliance avec une telle philosophie et la religion et la politique. Pour la religion, ce qui est plus à propos, la tentative est commencée. On ne peut exagérer, dans le système de M. de Bonald, l’importance de son hypothèse de la révélation de la parole. C’est, de son aveu, la clé de la voûte, et certaine école de théologie a paru au moment d’en faire un article de foi. Or, grâce à Dieu, la résistance est venue, et elle est venue du meilleur côté, je veux dire du côté d’où elle sera la plus efficace. C’est un écrivain de la compagnie de Jésus qui a publié la plus complète réfutation de la théorie de M. de Bonald. C’est le doyen d’une faculté de théologie qui lui a porté le dernier coup.


III.

L’ouvrage du père Chastel est intitulé : De la Valeur de la Raison humaine, ou ce que peut la Raison par elle seule. À ce titre, par le temps qui court, on pourrait se tromper sur l’intention de l’auteur, et le soupçonner de chercher à prouver que par elle seule la raison ne peut rien. Bien loin de là; le livre n’est certainement pas une défense du rationalisme, mais c’est une apologie chrétienne de la raison humaine.

C’est une attaque respectueuse, mais franche et déclarée, contre le traditionalisme, dont le principe est dans la théorie de la parole selon M. de Bonald, développée par les doctrines conformes de M. de Lamennais, et portée par des docteurs contemporains à cet excès, que tout dans l’homme, même la pensée, devient enseignement, que la raison même se transmet comme un commandement, et que, la philosophie n’étant plus rien sans la révélation, il ne reste à la société d’alternative qu’entre un fanatisme aveugle et un irrémédiable scepticisme. C’est le père Chastel qui s’exprime ainsi.

Nous voudrions pouvoir donner une juste idée de cet ouvrage, écrit avec beaucoup de sens, de mesure, de clarté, par un homme d’un esprit droit et pénétrant, et surtout avec une sincérité admirable que nous sommes forcé de trouver rare aujourd’hui; mais une controverse en forme lasserait plus d’un lecteur. M. Chastel réfute tout. En présence d’adversaires auxquels il veut montrer d’autant plus d’égards qu’il ménage moins leurs idées, il ne néglige rien, il croit témoigner son estime en multipliant les citations et les critiques. Il consent à trouver à M. de Bonald du génie, et, comme il