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raison, que la foi précède la raison, et qu’il ne faut croire que sur la parole du genre humain les vérités universelles. Il y a presque identité dans les termes entre cette doctrine et celle de M. de Lamennais, et quand on se sépare de lui, en continuant d’invoquer M. de Bonald, on oublie que ce dernier a reconnu lui-même le parfait accord de leurs opinions et de leurs desseins. L’esprit qu’ils ont tous deux propagé, les écoles que tous deux ont formées offrent le même danger pour la vérité et pour la foi. Cette guerre faite à la raison, dit M. Chastel, est un outrage à son auteur. Il y a, selon lui, deux excès à réprimer : celui des supernaturalistes, qui regardent comme antichrétienne toute philosophie qui ne prend pas pour fondement la révélation positive et veut sans elle démontrer l’origine, la nature et la certitude des vérités naturelles, et celui des traditionalistes, qui, refusant à la raison individuelle tout moyen propre de certitude, ne lui donnent pour loi que l’autorité du genre humain, devenue seule la règle et le critère des vérités religieuses. C’est surtout contre ces deux sortes d’adversaires que M. Chastel a pris la plume.

Les combattant par leurs propres armes, il leur oppose toute la tradition chrétienne. La foi précéder la raison ! On pourrait dire que le contraire est un article de foi. Saint Paul n’a-t-il pas dit : « Ce qui est invisible de Dieu est manifesté à l’intelligence par la création.» Ainsi du moins saint Augustin, saint Jean Chrysostôme et saint Thomas entendent ses paroles. « La pensée, écrit saint Augustin, voilà le verbe que le cœur dit, verbe qui n’est d’aucune langue, verbe antérieur à tout son, antérieur à toute pensée du son….. Les idées intellectuelles, lorsque je les ai apprises, ce n’est point par un acte de foi à l’esprit d’autrui; mais je les ai trouvées dans mon esprit, je les ai reconnues pour vraies. » — « Comment, dit saint Jean Chrysostôme, la connaissance de Dieu était-elle manifeste? Dieu a-t-il parlé aux hommes? Nullement; mais il a fait une chose plus propre à les persuader que n’importe quelle parole... Il a placé devant eux le monde, et il leur a donné l’esprit et la pensée pour comprendre et parler juste. » — « Il est deux manières, dit saint Thomas d’Aquin, d’acquérir la science, l’une quand la raison naturelle parvient par elle-même à connaître ce qu’elle ignorait, et cette découverte s’appelle invention; l’autre, quand la raison naturelle est aidée par une cause extérieure, c’est ce qu’on nomme enseignement... Mais pour l’acquisition de la science, il faut admettre comme préexistant en nous les germes, pour ainsi dire, de toutes les sciences, et ce sont les notions premières. — L’élève n’apprend pas de son maître les principes, mais seulement les conséquences. — Le verbe intérieur n’est pas autre chose que ce que l’intelli-