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mettait enfin de porter l’emplacement des camps sur un terrain neuf et non infecté. La guerre, depuis le traité du 30 mars, ne forçait plus d’ailleurs les régimens à conserver leurs positions militaires de la rive gauche de la Tchernaïa, foyer d’émanations marécageuses. Le maréchal Pélissier donna l’ordre d’abandonner les anciens bivouacs et de les transporter à trois lieues au sud sur les hauts plateaux, ventilés par la brise de mer, qui du monastère Saint-George descendent vers Kamiesch. Toutes les baraques et les grandes tentes contaminées par une habitation prolongée furent remplacées par les petites tentes-abris du maréchal Bugeaud. On changeait fréquemment l’assiette des camps, et ces migrations apportaient chaque fois une amélioration dans la santé des troupes. De pareils déplacemens suscitèrent bien quelques réclamations de la part des officiers, sans cesse dérangés dans leur installation; mais le maréchal n’en tint aucun compte : il n’était préoccupé que de la santé du soldat. Il présidait à l’embarquement des troupes, veillant à ce qu’on ne transportât que des régimens qui depuis plusieurs semaines n’avaient présenté aucun cas de typhus, et lui-même ne quitta le sol de la Crimée qu’après le départ du dernier régiment de l’armée.

De retour à Constantinople, je parvins à isoler tous les malades atteints du typhus et à faire renouveler journellement leurs objets de literie; le chiffre des nouveaux cas déclarés dans les vingt-quatre heures tomba immédiatement de plus de moitié. Je portais sur tous les navires nolisés par l’administration une active surveillance pour l’exécution des mesures hygiéniques et de désinfection. Si les mesures prises étaient maintenues, le typhus ne devait pas tarder à disparaître.

Il y avait encore 4,000 scorbutiques dans les hôpitaux de Constantinople. Les prisonniers russes venaient de quitter l’île de Prinkipo; j’allai y installer une vaste ambulance pour 1,800 scorbutiques, et, grâce à l’énergie du général Pariset, qui venait de remplacer le général Larchey dans le commandement de la place de Constantinople, j’achevai cette tâche en deux ou trois jours. Prinkipo remplaçait Mételin. A peine transportés, les malades revinrent à la santé; bientôt ils se promenaient dans l’île, bien portans et joyeux. En allant les visiter, je m’arrêtai à Calchi, îlot voisin où était un hôpital destiné à la marine. En face de l’îlot se tenaient à l’ancre quatre ou cinq gros navires de guerre qui avaient arboré la flamme jaune de la quarantaine. Ces bâtimens avaient eu le typhus pour avoir transporté des malades de Crimée. Une partie de leurs équipages, atteinte par l’épidémie, avait dû débarquer; elle était parfaitement bien installée dans d’immenses chambres converties en hôpital ou sous des tentes doubles.

Pendant le cours de cette terrible épidémie, le gouvernement turc