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touré de fils, de gendres et de frères qu’il poussait de son mieux, Aviénus rendait au favoritisme ce qu’il en avait reçu; mais le soin réclamé par ses candidats domestiques ne lui laissait plus assez de temps ni de crédit pour s’occuper efficacement des autres. Il promettait beaucoup et tenait peu. Basilius, tout entier à ses protégés, guettait l’occasion de les servir et ne la manquait pas : aussi préférait-on la clientèle des Décius à celle des Corvinus. Tous deux d’ailleurs étaient facilement accessibles, affables et sans faste. Près d’Aviénus, on obtenait sans trop de peine une familiarité protectrice; près de Basilius, une protection réelle. Sidoine, après avoir étudié les deux caractères et pesé la double situation, fit son choix en homme sensé : il rendit au descendant de Valérius Corvinus les hommages d’un homme du monde et porta ses affaires chez Basilius. Un jour que ce sénateur et lui parcouraient les pièces jointes à la requête des Arvernes, et dissertaient sur les chances favorables ou contraires d’une affaire qui présentait beaucoup de difficultés, Basilius s’interrompit tout à coup : « Voici, dit-il, les calendes de janvier qui approchent, et notre prince va prendre son consulat d’avènement. Allons, mon cher Sollius, à l’ouvrage! Si intéressant que soit tout ce fatras dont vous vous êtes chargé, il faut le quitter pour quelques instans; il faut réveiller la vieille muse en faveur du nouveau consul, je l’exige de vous, mon ami. Malgré le peu de temps qui vous reste encore pour vous préparer, prenez en main votre lyre et rendez-nous des sons, ne fussent-ils que tumultuaires. Je vous promets pour cela bon accueil près du prince, bonnes dispositions chez les autres, et je me charge du succès. Croyez-en mon expérience, cher Sollius, ce petit jeu peut devenir au fond très sérieux[1]. » Basilius, en protecteur avisé, faisait sa cour à l’empereur en même temps qu’il servait son client : il procurait aux débuts du nouveau règne un éclat littéraire qui n’avait pas manqué à ceux d’Avitus et de Majorien; il fournissait enfin à Anthémius l’occasion ou le prétexte de verser sur un enfant de la Gaule quelque faveur extraordinaire qui glorifierait en même temps ce pays, et, pensait-il, la requête des Arvernes ne s’en trouverait pas plus mal. Sidoine comprit tout cela d’un mot et se mit au travail. Son hôte applaudit à une résolution qu’il avait sans doute préparée; sans doute aussi il aida le poète de sa critique et de ses conseils, et les salles de la maison de Paulus retentirent nuit et jour de la cadence des hexamètres et du fracas des coupes à effet.

  1. « Si quid experto credis, multa tibi seria hoc ludo promovebuntur. » Sidon. Apoll., Epist., I, 9.