Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/838

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus haute éloquence n’égala une plus haute vérité. Des expressions terribles viennent accabler les oppresseurs des livres, les profanateurs de la pensée, les assassins de la liberté, « le concile de Trente et l’inquisition, dont l’accouplement a engendré ou parfait ces catalogues et ces index expurgatoires, qui fouillent à travers les entrailles de tant de vieux et bons auteurs par une violation pire que tous les attentats contre leurs tombes. » Des expressions égales flagellent les esprits charnels qui croient sans penser et font de leur servilité leur religion. Il y a tel passage qui, par sa familiarité amère, rappelle Swift, et le dépasse de toute la hauteur de l’imagination et du génie ; mais c’est à peine s’il daigne railler un instant. L’ironie, si poignante qu’elle soit, lui semble faible. Écoutez-le, quand il revient à lui-même, quand il rentre dans l’invective ouverte et sérieuse, quand après le fidèle charnel il accable le prélat charnel. « La table de la communion, changée en une table de séparation, est debout comme une plate-forme, exhaussée sur le front du chœur, fortifiée d’un boulevard et d’une palissade pour écarter l’attouchement profane des laïques, pendant que le prêtre obscène et repu n’a pas scrupule de tortiller et de mâcher le pain sacramentel aussi familièrement qu’un biscuit de sa taverne. » Il triomphe en songeant que toutes ces profanations seront payées. L’atroce doctrine de Calvin a fixé de nouveau les yeux des hommes sur le dogme de la malédiction et de la damnation éternelle. L’enfer à la main, Milton menace ; il s’enivre de justice et de vengeance parmi les abîmes qu’il ouvre et les flammes qu’il brandit. « Ils seront jetés éternellement dans le plus noir et le plus profond gouffre de l’enfer, sous le règne outrageux, sous les pieds, sous les dédains de tous les autres damnés, qui, dans l’angoisse de leurs tortures, n’auront pas d’autre plaisir que d’exercer une frénétique et bestiale tyrannie sur eux, leurs serfs et leurs nègres, et ils resteront dans cette condition pour toujours, les plus vils, les plus profondément abîmés, les plus dégradés, les plus foulés et les plus écrasés de tous les esclaves de la perdition. » La fureur ici monte au sublime, et le Christ de Michel-Ange n’est pas plus inexorable et plus vengeur.

Comblons la mesure ; joignons, comme il le fait, les perspectives du ciel aux visions des ténèbres : le pamphlet devient un hymne. « Quand je rappelle à mon esprit, dit-il, comment enfin, après tant de siècles pendant lesquels le large et sombre cortège de l’Erreur avait presque balayé toutes les étoiles hors du firmament de l’église, la brillante et bienheureuse Réforme lança son rayon à travers la noire nuit épaissie de l’ignorance et de la tyrannie anti-chrétienne, il me semble qu’une joie souveraine et vivifiante doit entrer à flots dans la poitrine de celui qui lit ou qui écoute, et que la suave