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répandu ses largesses autant que dans le ciel. » Voyez ce joli zèle d’une lady hospitalière. « Elle part avec des regards empressés, en toute hâte. Comment faire le choix le plus délicat ? Avec quel ordre industrieux, pour éviter la confusion des goûts, pour ne pas les mal assortir, pour qu’une saveur suive une saveur relevée par le plus heureux contraste ? » Elle fabrique du vin doux, du poiré, des crèmes, répand des fleurs et des feuilles sous la table. La bonne ménagère, comme elle gagnera des voix parmi les écuyers de campagne, quand Adam se présentera pour le parlement ! Adam est de l’opposition, whig, puritain. « Il va au-devant de l’ange sans autre cortège que ses propres perfections, portant en lui-même toute sa cour, plus solennelle que l’ennuyeuse pompe des princes, avec la longue file de leurs chevaux superbes et de leurs valets chamarrés d’or, » Le poème épique se trouve changé en un poème politique, et nous venons d’écouter une épigramme contre le pouvoir. Les salutations sont un peu longues ; heureusement, les mets étant crus, « il n’y a point de danger que le dîner refroidisse. » L’ange, quoique éthéré, mange comme un fermier du Lincolnshire, « non pas en apparence, ni en fumée, selon la vulgaire glose des théologiens, mais avec la vive hâte d’une faim réelle et une chaleur concoctive pour assimiler la nourriture, le surplus transpirant aisément avec sa substance spirituelle. » À table, Eve écoute les histoires de l’ange, puis discrètement elle s’en va au dessert, quand on va parler politique. Les dames anglaises apprendront par son exemple à reconnaître sur le visage de leur mari « quand il va aborder d’abstruses pensées studieuses. » Leur sexe ne monte pas si haut. Une femme sage, aux explications d’un étranger, « préfère les explications de son mari. » Cependant Adam écoute un petit cours d’astronomie : il finit par conclure, en Anglais pratique, « que la première sagesse est de connaître les objets qui nous environnent dans la vie journalière, que le reste est fumée vide, pure extravagance, et nous rend, dans les choses qui nous importent le plus, inexpérimentés, inhabiles et toujours incertains. »

L’ange parti, Eve, mécontente de son jardin, veut y faire des réformes, et propose à son mari d’y travailler, elle d’un côté, lui d’un autre. « Eve, dit-il avec un sourire d’approbation, rien ne pare mieux une femme que de songer aux biens de la maison, et de pousser son mari à un bon travail. » Mais il craint pour elle, et voudrait la garder à son côté. Elle se mutine avec une petite pique de vanité fière, comme une jeune miss qu’on ne voudrait pas laisser sortir seule. Elle l’emporte, part et mange la pomme. C’est à ce moment que les discours interminables fondent sur le lecteur, aussi nombreux et aussi froids que des douches de pluie en hiver. J’aimerais presque autant me trouver dans une arène de théologie, livré