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bémol d’Haydn, qu’on a exécutée après, et dont le public enchanté a fait recommencer le menuet! Quelle clarté, quel charme, quelle bonhomie divine et quel art sans efforts! Ah! messieurs les faiseurs de symphonies et d’ouvertures romantiques, vous n’avez pas détrôné le patriarche de la musique instrumentale. Après la symphonie d’Haydn, on a exécuté un chef-d’œuvre qui procède de la même famille de grands musiciens, je veux dire le finale du troisième acte de Moïse. Quoique les soli fussent chantés par des virtuoses de la force de Mlles Rey, Lhéritier, etc., ce finale colossal a rempli la salle d’une sonorité qu’on pourrait dire lumineuse.

Le troisième concert a été particulièrement remarquable par la neuvième symphonie de Beethoven, qui remplissait le premier numéro du programme, et dont l’exécution a duré une heure et un quart! Cette composition colossale, que M. de Lenz a qualifiée « le dernier mot du style symphonique, » est une pierre de discorde jetée aux critiques de tous les pays. En Allemagne, on n’est pas moins partagé que nous ne le sommes en France, non pas sur la valeur absolue d’une conception aussi étonnante, mais sur l’effet de l’ensemble et sur la possibilité de goûter sans fatigue une œuvre dont les proportions dépassent les forces de l’attention ordinaire des hommes. Pour nous, qui ne craignons jamais de dire notre façon de penser sur une conception du génie, quelque grand qu’il soit, nous avouerons aujourd’hui, comme nous l’avons fait autrefois, que le premier morceau de la Symphonie avec chœurs nous paraît toujours un peu obscur et d’un développement pénible. On a beau faire la part de la profondeur de l’idée et de la sombre accumulation des effets de l’harmonie, le morceau est laborieux et ne se conçoit pas sans fatigue, défaut énorme dans tous les arts, mais surtout en musique. Le scherzo-vivace au contraire, qui en est le second épisode, est une merveille de grâce, de flexibilité, de rhythmes et de variété. Ce morceau est surpassé par l’andante qui vient après, c’est-à-dire par une de ces inspirations qui ouvrent à l’imagination des horizons entrevus dans des rêves enchantés, et qui élèvent Beethoven au-dessus de tous les musiciens qui l’ont précédé. La quatrième partie de la symphonie, jusqu’au moment où les chœurs s’adjoignent aux instrumens, renferme encore des détails pleins de vigueur, entre autres le récitatif des contrebasses, dont on a tant abusé depuis; mais l’ensemble est infiniment trop long, et mal écrit pour les voix, qui ne peuvent jamais arriver à une exécution supportable. Après l’audition d’une composition de cette étendue, on est brisé, et on ne demande plus qu’à aller respirer le grand air.

Au quatrième concert, qui s’est donné le 22 février, la société a fait entendre une nouvelle symphonie de M. Reber, qui a été accueillie avec faveur. M. Reber est un musicien distingué, plein de goût et de mesure, qui ne s’aventure jamais trop loin de ses forces, et qui produit des œuvres qui recommandent son nom à tous les vrais connaisseurs. Sa nouvelle symphonie renferme des détails charmans, d’une instrumentation claire et pourtant colorée. Le menuet a été surtout fort remarqué par le public. La séance s’est terminée par l’introduction de l’oratorio de Samson, de Haendel, dont Mlle Ribault, de l’Opéra, a chanté le solo de soprano. Voilà un style grandiose et vraiment biblique! C’est simple, large et pourtant ému. Quels effets ob-