Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

baie visitée par Tasman en 1642, et, cent trente ans plus tard, par le capitaine Marion, méritaient un degré de confiance que ne pouvaient inspirer les ingénieuses élucubrations de Valentyn. La baie de l’Aventure était donc située à dix ou onze milles au nord des îlots Boreel, à vingt-cinq milles environ du lieu où nous avions trouvé un abri. Il ne paraissait pas hors de vraisemblance que cette baie fût située sur une île séparée du continent par le canal que nos éclaireurs venaient de parcourir. Ce fut là le point important que l’amiral se proposa de reconnaître aussitôt que les réparations des corvettes seraient terminées.

Le 16 mai, au point du jour, nous profitâmes d’une légère brise du nord pour mettre sous voiles. Aidés par nos embarcations, nous sortîmes de ce port, notre première découverte, la source et l’origine de découvertes bien plus importantes encore. Le climat jusqu’alors nous avait paru très doux. Le thermomètre de Réaumur s’était constamment soutenu entre 9 et 14 degrés. Aussi, bien que nous fussions au milieu du mois de mai, mois qui correspond au mois de novembre dans notre hémisphère, voyait-on encore beaucoup de plantes en fleurs, et la plupart des arbres avaient-ils conservé leur feuillage. Les vents et la marée étant devenus contraires, nous mouillâmes à l’entrée du canal par un fond de 35 brasses. Le temps était très beau, et cependant le baromètre avait baissé considérablement ; il était descendu au-dessous du point où nous l’avions vu dans les coups de vent les plus forts. Ce symptôme ne laissait pas d’être assez inquiétant dans la saison avancée où nous nous trouvions. Nous prîmes donc toutes les précautions qu’exigeait le mouillage entièrement découvert où nous avions été contraints de jeter l’ancre. Le lendemain, quand le jour parut, le temps était tout aussi serein que la veille ; seulement le sommet des montagnes était couvert de neige, le froid était devenu assez vif, et les vents continuaient de souffler du nord.

Aussitôt que le courant fut favorable, nous appareillâmes de nouveau. Nous louvoyâmes jusqu’à la nuit et laissâmes tomber l’ancre par 28 brasses sur un excellent fond de vase, après avoir doublé une petite île qui formait du côté du sud l’entrée de la passe. L’obscurité nous déroba la vue des terres qui nous environnaient. Nous en fûmes bien dédommagés le lendemain, lorsque le soleil vint répandre, sur ce paysage que nul Européen n’avait contemplé avant nous, la tiède chaleur et la douce lumière d’un beau jour d’automne. Nos regards embrassèrent alors avec ravissement l’immense étendue de ce calme bassin où la mer ne pouvait jamais être agitée que par les petites lames que soulevait le vent en soufflant d’une rive à l’autre. De tous côtés, l’œil découvrait ou pouvait deviner dans les profondes