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les forces organiques et conservatrices du pays, il en résulte que la dictature elle-même est impuissante. De quelque côté que se tourne aujourd’hui M. Comonfort, il se voit assailli par les insurrections, et il n’a qu’à choisir entre les divers genres de chute qui le menacent. Le parti conservateur, renversé par la dernière révolution, irrité du triomphe des opinions démocratiques, appuyé par le clergé, dont les intérêts ont été violentés, favorisé par une désorganisation universelle, le parti conservateur n’a cessé de s’agiter et a saisi toutes les occasions de prendre les armes. Des chefs se sont levés de tous les côtés, et quelquefois les bandes insurgées se sont même rapprochées de Mexico. Il n’y a pas longtemps, deux des généraux de M. Comonfort ont éprouvé un désastre non loin de Cuernavaca ; l’un a été tué, l’autre a été pris. À Queretaro, la garnison a été obligée un matin de se rendre à discrétion, et le commandant a été fait prisonnier. La ville de Tampico a été également menacée. Ces insurrections ont été vingt fois battues, vingt fois aussi elles ont recommencé en s’étendant toujours et en s’aggravant, de telle sorte que, dans cette lutte bizarre, c’est le gouvernement qui s’affaiblit, c’est l’insurrection qui se fortifie. Il faut bien remarquer qu’au Mexique les révolutions ne triomphent pas tout d’un coup : elles mettent un an, deux ans même à réussir ; mais elles réussissent toujours, et il n’est point impossible que la dictature de M. Comonfort n’aboutisse dans un temps prochain à une nouvelle dictature de Santa-Anna, dont le nom a déjà été prononcé.

Et toutefois ce n’est là encore qu’un des côtés les moins graves de la situation du Mexique. Ce qu’il y a de plus alarmant dans cette anarchie, c’est le soulèvement universel, c’est le progrès croissant des Indiens. L’état de Sonora est presque entièrement livré aux sauvages ; il en est de même dans l’état de Durango. Des fermes qui étaient en culture sont abandonnées. Ce n’est pas la civilisation qui gagne dans ces contrées, c’est la barbarie. Nulle part peut-être cette guerre de races n’est plus violente et plus dangereuse que dans la péninsule du Yucatan. Il y a peu de temps, dans une petite ville, les Indiens massacraient quatre cents blancs. M. Comonfort se tourne-t-il vers l’extérieur, il est sous le poids de cette querelle dont nous parlions avec l’Espagne. On n’a pas oublié comment ce conflit déjà ancien s’est successivement compliqué ; il s’est surtout aggravé à la suite des assassinats dont quelques Espagnols ont été victimes, il y a un an, dans le district de Cuernavaca. Un essai de transaction a eu lieu. Un envoyé mexicain, M. Lafragua, s’est rendu à Madrid, et bien qu’il n’ait point été reçu officiellement, une négociation ne s’est pas moins engagée ; elle a été sans résultat. C’est alors que la France et l’Angleterre ont offert leur médiation. Or il se trouve aujourd’hui que M. Comonfort ne veut accéder à aucun arrangement avant que son représentant, M. Lafragua, ne soit admis officiellement à Madrid, tandis que l’Espagne, au contraire, veut que l’arrangement qui peut lui donner une satisfaction précède la réception de l’envoyé mexicain.

Tel est en ce moment l’état des choses. Pour le Mexique, ce n’est qu’un incident dans une existence qui se décompose. Comment cette décomposition ne fait-elle que s’accroître d’année en année ? On pourrait le voir dans les récits fidèles des voyageurs qui ont vécu longtemps dans le pays, qui en ont observé les mœurs, les usages, les faiblesses, les incohérences, et c’est le genre d’intérêt qui s’attache à des livres comme celui que M. Mathieu de