Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’était en réalité se donner la gloire d’une première découverte. À l’extrémité de cette terre, dont la direction générale se trouvait indiquée sur les cartes hollandaises, on voyait marqués deux groupes d’îles qui portaient les noms de Saint-François et de Saint-Pierre. De ces îles, situées à trois cents lieues dans l’est du cap Leeuwin, jusqu’à la partie méridionale de la terre de Van-Diémen, sur un espace de deux cent trente lieues du nord au sud, de deux cents lieues de l’est à l’ouest, tout était encore inconnu. On ignorait même si la terre de Van-Diémen faisait partie de la Nouvelle-Hollande, ou si elle en était séparée par un détroit : les navigateurs différaient d’opinion à cet égard, et les géographes demeuraient en suspens. Tel était le vaste champ d’exploration qui nous avait été spécialement réservé. Pour obéir à nos instructions, il fallait apporter à cette reconnaissance un soin particulier, et l’entreprendre aussitôt que nous aurions terminé nos travaux sur la côte occidentale de la Nouvelle-Calédonie.

Avec des bâtimens tels que les nôtres, nous ne pouvions songer à faire près de mille lieues contre le vent, qui dans ces parages souffle presque constamment de l’ouest et du sud-ouest. Il nous fallait donc renoncer à nous rendre de la Nouvelle-Calédonie au cap Leeuwin en passant par la terre de Van-Diémen. Il n’y avait plus que deux chemins qui nous fussent ouverts, — le détroit de Torrès, qui sépare la Nouvelle-Hollande de la Nouvelle-Guinée, ou la mer des Moluques, dans laquelle nous pouvions pénétrer en tournant cette dernière île par le nord. La seconde de ces routes fut celle que nous choisîmes. Bien que plus longue de quelques centaines de lieues, elle avait l’immense avantage de nous offrir la relâche d’Amboine. Nous avions, l’espoir de trouver dans ce port hollandais, centre d’un commerce florissant, des ressources faute desquelles il nous eût été probablement impossible de poursuivre notre mission.

Partant de la côte occidentale de la Nouvelle-Calédonie pour gagner, par cette voie presque inexplorée, la mer des Moluques, nous allions nous diriger à peu près au nord-ouest. Nous aurions ainsi à notre droite l’archipel des îles Salomon, devant nous la Nouvelle-Bretagne, à notre gauche cet archipel hérissé de récifs où Bougahville, qui l’avait découvert, avait failli s’égarer sans espoir de retour, et auquel il avait imposé le nom d’archipel de la Louisiade. D’après les renseignemens qui nous avaient été transmis, cet archipel semblait n’être qu’un prolongement de la Nouvelle-Guinée, et l’on ignore encore s’il en est séparé par des passages que les navires puissent franchir. Nous devions donc prévoir que, pour sortir du bassin dans lequel nous étions près de nous engager, nous aurions à choisir entre le canal Saint-George, qui sépare la Nouvelle-Irlande de la Nouvelle-