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sécher, et enfin, dernier et plus sérieux grief, il avait été décidé que, pour éviter un gaspillage dont la prospérité de nos gamelles n’avait pas tardé à souffrir, quiconque, lorsque nous serions au mouillage, ne reviendrait point prendre ses repas à bord n’aurait le droit d’emporter pour tout approvisionnement dans ses excursions que de l’eau-de-vie, du biscuit, du lard salé et du fromage. À la signification de ce décret, les naturalistes s’étaient empressés de demander qu’à bord de chaque corvette une embarcation fût spécialement affectée à leur service. La prétention pouvait paraître au fond assez légitime, elle n’en était pas moins inadmissible, car, dès qu’on avait jeté l’ancre, on n’avait pas trop de tous les canots pour faire l’eau et le bois dont on avait un urgent besoin, et pour prendre en même temps des sondes. On promettait bien aux naturalistes qui profitaient du départ d’une de ces embarcations pour descendre à terre de les envoyer chercher sur le rivage aussitôt qu’ils s’y montreraient ; mais ce sont là des paroles légères auxquelles on ne se fie plus dès qu’on a passé quelques mois abord d’un navire de guerre. Les naturalistes éprouvèrent donc plus d’une fois de fâcheux mécomptes, et lorsqu’au retour d’une longue course ils s’étaient morfondus pendant des heures entières sur la plage, en dépit de leurs cris, de leurs gestes, de leurs signaux de reconnaissance ou de détresse, ils rentraient à bord, on le croira facilement, le front tout chargé de menaces et le cœur gros de protestations. Cruellement désappointés de n’avoir pu toucher terre sur la côte occidentale de la Nouvelle-Calédonie, dont ils s’étaient cependant empressés de signaler la structure à l’amiral comme particulièrement favorable aux recherches du minéralogiste, incapables d’apprécier à leur juste valeur toutes les difficultés qu’ajoutaient à cette effrayante navigation les mauvaises, qualités de nos bâtimens, ils accusaient en secret nos chefs de manquer d’audace ou de sympathie pour leurs travaux. Lorsqu’ils apprirent la route que nous allions suivre pour gagner la terre de Nuytz, ils se promirent quelque dédommagement à toutes les déceptions qu’ils avaient éprouvées depuis le commencement de la campagne. Hélas 1 les longs voyages, et surtout les voyages de découverte, ne se composent guère que de déceptions.

Lorsqu’on navigue dans les parages voisins de l’équateur, on a rarement à redouter ce que les marins appellent du mauvais temps : on y est plus souvent compromis par les calmes qui vous laissent à la merci des courans que par des brises trop fraîches ; mais on a des