Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les hautes régions du protestantisme officiel ; puisse-t-elle, comme on l’affirme, s’agiter efficacement dans les rangs inférieurs ! Déjà l’ordre du clergé semble être embarrassé de sa victoire ; s’il faut en croire les dernières nouvelles qui nous arrivent de Stockholm, les prêtres de la diète ont prié le comité législatif de préparer un nouveau projet de loi qui serait discuté avant la clôture de la session. Cette résolution du clergé a beau donner lieu en Suède à des commentaires très opposés, il est permis d’y voir le signe d’un meilleur avenir. Le rejet de la proposition du roi Oscar n’aura pas été inutile, si elle a fait éclater dans la minorité des paysans une protestation inattendue, et si elle a provoqué chez les vainqueurs eux-mêmes les confuses émotions du repentir.


II

Que les défenseurs de la liberté ne se leurrent pas cependant d’espérances chimériques. La proposition du roi Oscar a été rejetée le 31 octobre, la législation du XVIIe siècle est consacrée de nouveau ; pour éclairer l’esprit public et triompher de l’oppression ecclésiastique, il faudra des efforts persévérans. Ces efforts, nous les demandons à tout ce qu’il y a de libéral en Suède, à la bourgeoisie, à la presse, aux sectes dissidentes, à tous ceux qui ont à cœur le réveil de la vie religieuse ; nous les demandons aussi au protestantisme des contrées qui exerçaient jadis, sans aucune prétention pédantesque, une sorte de suzeraineté intellectuelle sur les états scandinaves.

On a vu quels argumens ont été mis en œuvre par les orateurs du clergé. Les harangues de ces docteurs sont de véritables leçons théologiques, et l’Europe a pu connaître par des documens officiels quel est aujourd’hui en Suède l’état des sciences historiques et religieuses. M. Fahlcranz, évêque de Westeras, avait prononcé le 25 juin dernier, dans les séances particulières du clergé, et à l’occasion de la première présentation du projet royal, un discours qui fut imprimé aux frais de l’ordre des prêtres et répandu à profusion dans le pays. Cette espèce de consultation a servi de programme à tous les adversaires de la liberté religieuse. Pour faire un résumé fidèle des sentimens du clergé dans ces délicates matières, il suffit d’interroger ce discours du 25 juin ; tous les argumens disséminés ailleurs dans les amplifications des orateurs de l’église sont ici rassemblés en faisceau et présentés sous la forme la plus nette. On trouve deux sortes d’argumens très différens dans le mémoire de l’évêque de Westeras : d’abord des déclamations, des invectives ardentes contre le catholicisme, puis accessoirement la condamnation de certaines sectes issues de l’église luthérienne. Or ce qui semble ici l’accessoire est au contraire le principal.’L’orateur feint de redouter les envahissemens des missionnaires romains ; ce qui l’effraie en réalité, c’est le réveil du sentiment évangélique chez des âmes vraiment religieuses que la dure orthodoxie de l’église suédoise est impuissante à satisfaire. Seulement il se