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d’erreurs n’ont-ils pas propagées ! Les jugemens si faux qu’ils ont portés sur le moyen âge suédois ont passé de leurs livres dans les traités élémentaires, dans les manuels, dans les brochures, dans la presse quotidienne, et sont devenus la croyance commune de tout un peuple. Jamais la période catholique de notre pays n’avait été si complètement défigurée.

« On sait quelle réaction éclata en Europe contre le voltairianisme. L’histoire, affranchie de ses préjugés, se plaça au point de vue des époques et des peuples qu’elle voulait peindre ; à l’esprit de dénigrement succéda une impartialité sympathique. La Suède, retombée sous le joug du pouvoir absolu, fut soustraite quelque temps à l’action de ce mouvement européen ; c’est seulement sous un régime meilleur, après la transformation politique de 1809, que ces idées nouvelles, déjà si répandues en Allemagne, purent s’introduire dans la littérature Scandinave, et elles y furent accueillies, on peut le dire, avec un orageux enthousiasme. Dans cette ardeur de réparation historique, on s’emporta jusqu’à dépasser le but. Il s’agissait de rendre justice à des siècles méconnus, à la période barbare, à la période catholique ; on négligea bientôt le moyen âge chrétien pour ne songer qu’au paganisme Scandinave, et il y eut dans les esprits une fièvre d’exaltation païenne… »

M. Fryxell s’élève ici avec force contre ce qu’il appelle la gothomanie, l’orage de l’enthousiasme gothique ; il réfute le tableau des siècles Scandinaves tel que l’ont tracé quelques poètes plus épris de l’idéal que de la vérité historique, Geijer et Tegner par exemple ; il peint à nu ces mœurs barbares, cette grossière idolâtrie, ces sacrifices de sang humain, ces hommes qui exposent leurs enfans, qui tuent leurs esclaves, et pour lesquels il n’est rien de plus noble au monde que la piraterie et le pillage. « En face de ces images horribles, dit-il, quels doux et bienfaisans spectacles dans les premiers temps catholiques ! Comme la voix solennelle des cloches appelle les fidèles au temple, la voix de la religion du Christ appelle tous ces sauvages à la justice, à la mansuétude, au pardon des injures, à l’esprit de réconciliation et de paix. L’enfant est protégé contre le fanatisme de son père, l’esclave contre les violences de son maître ; voici déjà le pays sillonné de routes, le commerce protégé, les vengeances particulières réprimées, et les pauvres, les infirmes, les naufragés, tous ceux qui souffrent, placés sous la protection de la loi et de l’église. Hier, ce n’était que le chaos ; c’est aujourd’hui une société qui s’élève. Ah ! mes frères, nous avons vu le génie de nos poètes vermlandais parer de tous les prestiges de l’imagination l’âge païen de la Suède ; le temps viendra où d’autres poètes glorifieront par des chants dignes aussi de l’immortalité tant de grandes et saintes choses accomplies par la Suède catholique et ignorées de la foule ! »

Tel est, résumé aussi fidèlement que possible, le discours où M. Fryxell retrace le développement des idées historiques en Suède ; laissons de côté les protestations personnelles de l’orateur, ne nous arrêtons pas aux précautions qu’il croit nécessaire de prendre pour détourner de sa tête l’accusation