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prince régent pourraient bien s’étendre à d’autres sujets qu’au droit de navigation et de commerce. Le prince désire, et il a raison, resserrer les liens des deux pays qu’il gouverne ; le meilleur moyen de vaincre la résistance du storthing norvégien, c’est de faire triompher l’esprit libéral dans la constitution de la Suède.

Et maintenant, puisque les publicistes allemands, depuis la récente discussion de la liberté religieuse à la diète de Stockholm, ont été saisis de cette grande question, il faut espérer qu’ils continueront de suivre avec sollicitude le travail intellectuel et moral de leurs voisins du Nord. Chaque peuple a son rôle particulier dans la confédération européenne ; c’est aux écrivains protestans de l’Allemagne de rappeler aux nations Scandinaves les principes du protestantisme. Les affinités de race et de religion, les services que l’esprit germanique a déjà rendus au Danemarck et à la Suède, donnent aux Allemands des droits que n’auraient pas d’autres peuples. Si OEhlenschlaeger est mort, si Geijer et Tegner ne sont plus, ils ont laissé des successeurs ; que leur école se relève donc et renoue ses liens avec le pays de Schiller et de Goethe l Que M. Fryxell, non content de ranimer les annales de la Suède dans ses curieux récits, fasse entendre encore de généreuses paroles comme celles qu’il a prononcées à la conférence de Carlstadt ! Il faut pour cela, je le sais, que l’insouciance et même l’hostilité dont l’Allemagne a fait preuve envers les Scandinaves soient remplacées par la sympathie et par l’esprit de justice. On peut déjà entrevoir quelques symptômes de ces dispositions meilleures, en dépit de l’irritante question du Slesvig-Holstein. Tout récemment encore, un historien littéraire, un brillant professeur de l’université de Halle, M. Robert Prutz, dans un remarquable ouvrage sur le poète comique Holberg, étudiait les rapports de la poésie danoise avec la poésie allemande, et regrettait amèrement que la littérature Scandinave fût suivie avec si peu d’attention par ses compatriotes. Ce que M. Prutz dit seulement de la littérature, nous le disons aussi de la religion et de la politique. La France, dans cette question, à rempli par l’organe de la presse son devoir de peuple libéral ; l’Allemagne protestante achèvera de remplir le sien, et la Suède, répondant à ce double appel, déchirera enfin les lois barbares qui l’empêchent d’occuper une place digne d’elle dans la civilisation européenne.


SAINT-RENE TAILLANDIER.