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moyen de renverser cette barrière, quoique les autres moyens d’y parvenir n’eussent pas été sérieusement essayés, et à ce point de vue on pouvait dire que la guerre était nécessaire pour forcer le gouvernement chinois à traiter les gouvernemens étrangers comme ses égaux, ou au moins les sujets de ces gouvernemens comme les siens propres… »

La guerre eut lieu, le traité de Nankin fut signé ; le dernier résultat indiqué par M. Wells Williams était-il au moins atteint ? Les leçons de l’expérience sont bien vite oubliées. L’orgueil, la vanité, ces préjugés que l’éducation enracine dans les cœurs les rendent la plupart du temps vaines et inutiles. Il en est surtout ainsi des leçons que la Providence donne aux nations : l’esprit public réagit contre elles avec d’autant plus de force et de promptitude que l’ignorance et la vanité ont bien plus d’action sur les masses que sur les individus isolés. La marche triomphante de l’armée anglaise, ses victoires étonnantes et si faciles, la chute des forteresses les plus redoutables, le traité de Nankin, tous ces coups qui vinrent successivement humilier l’esprit hautain de la cour impériale, n’eurent qu’un effet passager. Quelques années s’étaient à peine écoulées, que le souvenir en semblait perdu, et que gouvernement et population semblaient avoir repris toute leur aveugle confiance dans leur supériorité, tout leur insultant dédain pour les barbares.

L’Angleterre, fidèle à toutes les stipulations du traité de Nankin, avait remis, le 16 juin 1846, aux autorités impériales les îles de Chusan, la seule garantie qu’elle eût prise de la bonne foi du gouvernement de Pékin, et dès le mois d’avril 1847, c’est-à-dire moins d’un an après cet acte de loyale modération, non-seulement la population de Canton se refusait à l’exécution d’une des plus importantes clauses de ce traité, l’entrée de la ville aux Européens, mais encore furieuse, exaltée par ces passions auxquelles Lin avait fait le premier un appel, elle menaçait l’existence de ces Européens dans leurs factoreries. La présence des forces anglaises qui franchirent immédiatement le Bogue et vinrent mouiller en face des factoreries, la conduite loyale de Ki-yng, alors gouverneur des deux Hwangs, ses efforts persévérans, prévinrent la reprise des hostilités. Toutefois il y avait dans ce refus, dans cette haine, une menace pour l’avenir, et comme un présage qu’on ne pouvait mépriser. Derrière la foule, derrière ses préjugés et ses haines, on entrevoyait une pensée politique, la pensée d’un parti, celui de Lin, un moment vaincu, mais qui attendait l’heure d’une éclatante revanche.

Trois hommes représentaient à cette époque l’esprit de conciliation dans les conseils de l’empereur Tao-kwang : c’étaient Muhchangah, principal ministre, Ki-yng et Hwang-nganton. Ces deux