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ils ont aussi le génie de l’initiative et de l’organisation. Les communications faciles qu’on peut établir entre Saint-Pétersbourg et les rivages de la Mandchourie contribueront puissamment à la réussite de leurs projets. Les dix-huit mille soldats échelonnés de poste en poste depuis Nicolaïef jusqu’à la capitale de la Sibérie orientale n’ont plus désormais d’ennemis à combattre. Les travaux de la paix trouveront en eux des ouvriers patiens et bien disciplinés. Ni le bois, ni le fer, ni le charbon de terre, ces premiers et indispensables élémens d’une colonie naissante, ne leur manqueront : bois, fer, charbon de terre, abondent sur tous ces rivages que nous avons explorés, sur toutes ces côtes découpées en baies profondes, en canaux sinueux, où vient presque toujours aboutir une rivière au courant rapide, et qui semblent depuis des siècles attendre, ports inconnus, que le génie de l’Europe leur donne l’importance que leur promettaient la nature et leur position géographique.

Les navires de San-Francisco, qui, pendant la guerre, se dirigeaient vers Nicolaïef et la baie de Castries pour apporter aux familles russes fugitives de Petropolavski les objets de luxe de Paris et de la France, viendront les premiers animer du génie puissant de la race saxonne Ces nouveaux ports élevés en face du Japon, sur la route de l’Amérique en Chine, en même temps que les flots de l’émigration chinoise se porteront vers ces nouveaux pays si voisins de l’empire du milieu, où les attireront et l’attrait de mines d’or peut-être aussi riches que celles de l’Australie, et cette sécurité à laquelle les fils de Han attachent un si grand prix, et qui découle d’une administration protectrice. L’importance de ces établissemens russes, dont on peut dire que les expéditions anglo-françaises révélèrent presque l’existence, l’avenir qui leur est réservé n’ont pu échapper aux gouvernemens alliés. L’Angleterre, plus sérieusement menacée dans ses intérêts commerciaux, s’est émue la première. Déchirant, par son audacieuse entrée dans le port intérieur de Nagasaki, les conventions récemment passées avec la cour impériale d’Yedo, l’amiral sir Michaël Seymour révéla la nouvelle ligne de conduite à laquelle se croyait obligée la politique anglaise. Cet acte de la part d’un homme aussi expérimenté que l’amiral Seymour ne montrait-il pas que le temps de la réserve et de la modération était passé, et que l’Angleterre était résolue à conquérir sur ce lointain théâtre une influence politique égale à celle de toute autre puissance européenne ? C’était la première pierre posée à la digue qui doit, dans la pensée des pouvoirs occidentaux, arrêter la marche envahissante de la Russie. Dès lors on pouvait prévoir la guerre avec le Céleste-Empire. Et lorsque l’Angleterre prit enfin les armes contre la Chine, comme, pour ne laisser aucun doute sur la raison véritable qui motivait sa conduite, un des organes les plus accrédités de la colonie de Hong-kong