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vigueur qui se rattachent au nom des commandans de l’Héroïne, de l’Alcmène, de la Victorieuse, de la Gloire, et qui tous ont eu pour résultat la délivrance de quelque glorieux soldat du Christ, ne reliaient en rien le présent à la tradition politique de la France dans ce royaume. Leur œuvre de salut partiel accomplie et les martyrs arrachés au supplice, les nobles et puissans navires de l’Occident s’éloignaient de ces rivages, où leur présence, saluée par quatre cent mille chrétiens, soulevait tant de vœux et de bénédictions.

Lorsqu’en 1856 le Catinat, sous les ordres du commandant Lelieur-de-Laville-sur-Arce, vint à Touranne annoncer l’arrivée d’un plénipotentiaire français, lorsque, par une audace habilement calculée, il eut en un seul jour jeté à terre les vains obstacles que les mandarins lui opposaient, et qu’il les eut forcés, par l’occupation des forts qui dominent la ville, à recevoir la lettre que le ministre français écrivait à leur souverain, avec quelle rapidité électrique cette nouvelle ne se répandit-elle pas dans l’intérieur de la Cochinchine ! Quelles espérances trop souvent déçues, quels rêves longtemps caressés dans l’exil ne vint-elle pas éveiller au cœur des missionnaires et des chrétiens groupés autour d’eux ! Nous ne dirons rien de ce voyage, entrepris à travers les dangers de la persécution et les périls d’une mer soulevée par les typhons ; nous ne dirons rien d’un prélat qu’il nous a été donné de saluer de nos respects à bord de notre frégate, et que le bruit de l’arrivée du Catinat vint surprendre au fond de la province éloignée qu’il administrait : un tel récit offenserait la modestie d’une vertu qui s’ignore elle-même. Bornons-nous à constater que les succès du Catinat, la facile occupation des forts de Touranne, la terreur dont se montrèrent frappés les membres du gouvernement annamite après cet acte de vigueur, sont des symptômes décisifs. Ils montrent la faiblesse de ce pouvoir oppresseur et la facilité qu’aura toujours une puissance européenne d’occuper un point quelconque des rivages cochinchinois, surtout lorsque (comme c’est le cas pour notre pays) cette puissance s’appuierait et sur les droits d’un traité antérieur et sur les sympathies de la partie réellement intelligente et éclairée de la population. Quoi qu’il en soit, les révolutions dont la Chine est le théâtre, le développement sur les frontières septentrionales de J’empire de la domination et de l’influence russes semblent avoir déplacé vers le nord le théâtre de la lutte qui va troubler l’extrême Orient. La Corée, le Japon, plus que la Cochinchine, paraissent appelés par leur position géographique à y prendre une part plus ou moins active et directe. Dans tous les cas, ces états ne pourront pas plus maintenir leur politique d’isolement que ne l’a fait l’un d’entre eux lors de la ’dernière guerre, durant laquelle les ports de Nagasaki et d’Hakodadi ont été les principaux points de rendez-vous des escadres