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Ce n’est point un désordre matériel, c’est un trouble qui est dans les esprits, dans les partis. On peut, depuis quelque temps, voir se développer cette confusion dont le premier symptôme a été un travail de quelques-unes des fractions conservatrices contre le ministère, et qui vient de se produire dans les chambres tout récemment ouvertes. M. Bravo Murillo a été en effet élu président du congrès contre M. Luis Mayans, qui était le candidat choisi et appuyé par le cabinet. En réalité, quelle est le sens de cette nomination et quelle est la situation de l’Espagne ? D’un côté est un ministère dont les chefs, comme on sait, sont le général Armero et M. Mon, et qui est évidemment animé d’un esprit libéral. S’il n’a point marqué jusqu’ici son existence par des actes nombreux, ce qui a été un grief contre lui, il vient de montrer qu’il n’était point resté inactif depuis son avènement. La reine, dans le discours qu’elle a prononcé devant les chambres réunies, annonce un arrangement avec le saint-siège au sujet des biens du clergé, des mesures de des amortissement, des lois organiques sur les élections, sur l’administration, de nouvelles combinaisons financières propres à régulariser le budget. Ainsi se présente le ministère devant le parlement. D’un autre côté, il y a un assez grand nombre de nuances du parti conservateur. Ces diverses fractions ne sont point fort intimement unies entre elles, mais elles s’allient d’habitude contre le ministère qui existe, et c’est ainsi que, par une de ces combinaisons qui se reproduisent sans cesse, elles viennent d’élire M. Bravo Murillo moins comme un président du congrès que comme un candidat au pouvoir. Dans l’état actuel, c’est la seule signification possible de cette élection. Maintenant que fera le ministère ? L’Espagne se trouve probablement placée entre la dissolution du congrès et la démission du cabinet. Si le congrès est dissous, la Péninsule va entrer dans une nouvelle crise électorale ; si la reine ne consent pas à prononcer la dissolution de la chambre élective, c’est sans doute M. Bravo Murillo qui sera appelé au pouvoir. Le fait certain pour le moment, c’est que le ministère a présenté un candidat pour la présidence du congrès, et que ce candidat a échoué. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que le général Narvaez est tombé il y a quelques mois parce qu’il était accusé de pousser trop loin la réaction, et que le ministère actuel voit s’élever des hostilités contre lui parce qu’on le soupçonne d’inclinations trop libérales. Ce sera bientôt un problème de savoir où un ministère espagnol ira chercher sa force et son appui. ch. de mazade.